Un nouvel indicateur de cette renaissance de la communauté juive portugaise est le développement du Musée Juif de Porto. Les deux petites pièces de la synagogue Kadoori Mekor Haim, qui lui étaient dédiées, étaient devenues trop petites pour contenir toute la riche histoire des Juifs portugais. Une jolie maison avec jardin, en face de cette même synagogue, accueille dorénavant la collection du Musée et ses visiteurs.
Retour sur l’histoire
Cette majestueuse synagogue doit son existence au capitaine Artur Carlos de Barros Basto, de son vrai nom juif Abraham Israel Ben-Rosh, né en 1887, qui voulut ramener les crypto-juifs de la région à la foi de leurs ancêtres. L’histoire du capitaine est digne d’un roman. Il a été élevé dans une famille chrétienne de Porto mais a découvert peu avant le décès de son grand-père qu’il avait des ancêtres juifs. Il décide alors de se convertir et de renouer avec la religion de ses pères.
Clairvoyant, il insistait pour qu’une éducation juive soit donnée aux enfants. Il installe des synagogues dans de nombreux villages et appelle les marranes à revenir à leur foi ancestrale Les historiens pensent que Barros Basto a réussi à convaincre plus de 10 000 personnes. L’antisémitisme étant toujours présent, durant sa carrière militaire, il a accumulé menaces et fausses accusations de trahison de la part de ses ennemis. Il devient alors le « Capitaine Dreyfus portugais ». Il meurt brisé en 1961, après avoir été la cible d’une campagne de diffamation très bien orchestrée. L’armée va alors le dépouiller de son uniforme et de sa dignité. Comme Dreyfus, le capitaine Barros Basto sera disculpé de toute accusation, mais seulement en 2012, grâce au combat inlassable de sa petite fille Isabel Ferreira Lopes. Cette réhabilitation sera « une victoire pour son grand-père, une victoire pour les marranes portugais et une victoire pour tout le peuple portugais se battant contre l’injustice ».
Visite d’un musée pas comme les autres
Revenons vers le nouveau Musée. Le verdoyant jardin porte une épigraphe en pierre à la mémoire du Grand Rabbin Isaac Aboab, la plus grande autorité religieuse du XVe siècle, expulsé d’Espagne, installé à Porto où il fut enterré.
À l’entrée du Musée, l’on est accueilli par un mantra puissant écrit en hébreu : « Partout dans le monde, là où un Juif rencontre un Portugais, il doit l’aider ; et là où un Portugais rencontre un Juif, il devra l’aider aussi. » C’est ce que le capitaine Barros Basto diffusait autour de lui et qui guide encore l’esprit et l’attitude de la communauté juive de Porto aujourd’hui. Ils ouvrent leurs portes aux visiteurs et à tous ceux qui viennent s’installer dans leurs villes. La vie religieuse y est devenue facile et agréable. La méfiance envers les étrangers a rapidement été remplacée par une générosité sans précédent.
L’histoire du peuple juif est omniprésente dans le Musée, du père fondateur Abraham, à la sortie d’Égypte, la destruction du Second Temple et l’exil. On y découvre des objets anciens du rituel religieux qui témoignent de la richesse de la culture juive locale : des rouleaux de Torah magnifiquement décorés, une réplique du temple, d’anciens exemplaires du Talmud et du Mishné Torah, un shofar et un candélabre en or, ainsi que d’autres objets sacrés offrant un aperçu fascinant des pratiques religieuses et de la vie communautaire de l’époque.
En continuant la visite, l’on découvre l’histoire de la communauté juive de l’époque médiévale. On s’arrête sur les registres des patronymes juifs, l’épigraphe de la synagogue de Monchique, l’édit de l’expulsion décrétée par le Roi D. Manuel, les vagues migratoires des Juifs portugais vers tous les continents, trois siècles de violence de l’Inquisition. Pour plonger les visiteurs dans l’histoire, le Musée propose la projection de quatre films produits par la communauté et primés dans différents festivals : La lumière de Judah et 1618, deux films qui traitent des horreurs de l’Inquisition et des persécutions des Juifs portugais ; le film Sefarad, sorti en 2019, qui retrace l’histoire du capitaine Barros Bastos ; et le dernier, The Nun’s Kaddish, qui raconte l’histoire vraie d’une sœur catholique qui observa un rituel juif toute sa vie : la lecture du kaddish. Ces documentaires nous font plonger au cœur de cette histoire reconstituée comme une machine à remonter le temps.
Porto et Israël
Dans la deuxième partie du Musée, changement d’époque : le visiteur se retrouve dans une exposition sur l’opération de l’armée israélienne à Entebbe en 1976, une parmi les nombreuses actions anti-terroristes que l’armée israélienne et le Mossad ont réalisées. L’ambassadeur israélien du Portugal, Raphaël Gamzu, a expliqué ce choix ainsi : « Cette salle est dédiée à l’opération Yonathan — Yonathan Netanyahou, commandant des unités des Forces spéciales israéliennes, qui été abattu lors de la prise d’assaut à Entebbe — pour faire passer un message très clair : « La distance, ou tout autre défi, ne sera jamais une excuse pour qu’Israël ne fasse pas le maximum pour sauver la vie des Juifs partout dans le monde. » »
La communauté juive veut transmettre son histoire tragique
Le Musée Juif de Porto organise également des conférences, des projections de films, des ateliers, des visites organisées avec des écoles et d’autres événements culturels. Ces activités offrent aux visiteurs une occasion unique d’approfondir leurs connaissances sur la culture juive et d’engager des discussions enrichissantes avec des experts et des membres de la communauté. Comme le souhaitait le capitaine Barros Bastos, la communauté juive de Porto offre ainsi aux enfants juifs portugais l’occasion de découvrir leur histoire. L’éducation et la connaissance sont les clés pour lutter contre l’antisémitisme, donner une leçon de bienveillance inter-religieuse, un message d’espoir et d’humanité.
Après l’ouverture du premier Musée de la Shoah au Portugal, en 2021, où l’on apprend que le Portugal a été un refuge pour plusieurs milliers de Juifs d’Europe de l’Est grâce aux milliers de visas fournis par l’ancien Consul général portugais en France, Aristides de Sousa Mendes, le nouveau Musée Juif de Porto va aussi jouer un rôle important dans la promotion du dialogue interculturel et de la tolérance. En encourageant la compréhension et le respect mutuel, le Musée contribue à la préservation de la diversité culturelle et à la construction d’une société plus ouverte. Ce lieu est incontournable pour les amateurs d’histoire et de culture juives, ainsi que pour tous ceux qui souhaitent découvrir une facette souvent méconnue de l’histoire du Portugal. En visitant ce musée unique, vous plongerez dans un monde fascinant où passé et présent se rejoignent pour vous raconter une histoire riche et captivante.