Lorsque la Seconde Guerre mondiale commence, Dr Adélaïde Hautval exerce comme psychiatre dans le sud de la France. Cette région est contrôlée par le régime antisémite de Vichy dès juin 1940, avec toutes les conséquences discriminatoires et dangereuses que l’on connait pour les Juifs. En avril 1942, sa mère décède brusquement à Paris qui est à cette période sous occupation allemande.
Adélaïde demande alors aux autorités allemandes l’autorisation d’entrer en zone occupée pour assister aux funérailles. C’est un refus catégorique qu’elle reçoit en guise de réponse. Ne voulant pas renoncer à accompagner sa mère à sa dernière demeure, elle décide alors de prendre le risque de traverser la ligne de démarcation. Sa tentative échoue, et elle est arrêtée par la police allemande puis transférée dans une prison de Bourges. En juin 1942, des prisonniers juifs commencent à affluer dans la prison. Le Dr Hautval, très choquée par leurs conditions de détention, proteste vigoureusement contre la façon dont ils sont traités. En réponse, les autorités pénitentiaires françaises décident de manière odieuse qu’elles partageraient leur sort. Ils l’obligent à épingler sur ses vêtements un bandeau jaune portant la mention « Amie des Juifs ». Ce qui était pour ses geôliers une ignominie est pour elle un honneur. Commence alors pour elle un certain nombre de déplacements carcéraux, car la police française ne sait pas trop quoi faire d’une « non juive amie des juifs », qui n’est ni communiste, ni résistante !
Dès janvier 1943, son sort sera scellé, et elle séjournera dans les camps de Pithiviers et de Beaune-la-Rolande et en prison à Romainville, Orléans et Compiègne. En fin de parcours, elle sera envoyée dans le camp d’extermination de Birkenau avec deux cent prisonnières juives françaises. Placée dans un bâtiment abritant plus de cinq cent prisonnières juives qui la surnomment « la sainte », elle ne cessera de soigner sans relâche les femmes contaminées par le typhus, les isolant dans une partie distincte du bloc, afin d’éviter la contagion, ainsi que toute personne malade. Elle sera vite repérée et utilisée comme médecin par le commandant du camp. Elle put ainsi, avec ses petits moyens, soigner les patients juifs en leur évitant une mort immédiate. Elle se dévoue sans limites, et les rares prisonnières qui survécurent à cet enfer témoignèrent par la suite de ses gestes et de ses paroles qui ont soigné et réconforté tant de corps et d’âmes souffrantes.
Adélaïde Hautval est finalement transférée au bloc 10 du camp d’Auschwitz I, où l’on procédait à de terribles expériences médicales sur les détenus. Le docteur Eduard Wirths l’implique dans son projet concernant l’identification des premières manifestations du cancer chez les femmes. Elle découvre rapidement que le projet s’appuie sur des expériences inhumaines pratiquées sans anesthésie sur des détenues juives. Le médecin-chef y pratique des « expériences », notamment des stérilisations de femmes en brûlant leurs organes avec des produits caustiques. Elle déclare au docteur Wirths qu’elle ne participera pas à ses expérimentations.
Lorsqu’un nouveau médecin-chef est affecté à ce service, il ordonne à Adélaïde Hautval de l’assister, ce qu’elle refuse ; et elle est ainsi renvoyée, en août 1943, parmi les autres détenues du camp. Refusant également de prendre part aux expérimentations du tristement célèbre et ignoble Mengelé sur les jumeaux, elle est renvoyée à Birkenau. Transférée par la suite à Ravensbrück, elle réussit à survivre jusqu’à la libération du camp. Elle y exerce de nouveau la médecine, usant de tous ses moyens pour sauver ses camarades.
Elle voit la libération du camp en avril 1945, mais y reste avec la célèbre résistante Marie Claude Vaillant Couturier , afin de s’occuper des malades qui ne peuvent être immédiatement transportés. Elle quitte le camp pour la France avec les derniers malades français le 25 juin 1945.
De retour en France, sa santé est très faible, car altérée par les années de détention dans les camps, elle ne recouvrera que très lentement la santé. Elle sera décorée de l’Ordre national de la Légion d’honneur en décembre 1945 pour son dévouement envers les autres déportés dans les camps.
En 1962, elle fait partie des principaux témoins auxquels fait appel l’écrivain juif américain Leon Uris à Londres. Dans son célèbre ouvrage intitulé Exodus, Uris décrit la cruauté des expériences pratiquées à Auschwitz sur les détenus par le médecin polonais Wladislas Dering. Ce dernier, qui a déménagé à Londres après la guerre, poursuit Uris en justice pour diffamation. À la demande d’Uris, Adélaïde Hautval se rend à Londres pour témoigner. Le magistrat anglais la dépeint comme l’une des femmes les plus impressionnantes et courageuses ayant jamais témoigné devant un tribunal en Grande-Bretagne, une femme dotée d’une personnalité extraordinaire.
Le 18 mai 1965, elle sera déclarée comme Juste des nations par l’État d’Israël. Elle décédera le 12 octobre 1988. Elle laissera un livre témoignage essentiel : Médecine et crimes contre l’humanité, qui sera édité en 1991. Deux rues et un square portent son nom en France aujourd’hui pour que les nouvelles générations ne l’oublient pas, elle qui s’est distinguée par une très grande exigence morale et éthique qu’elle a su garder dans les pires conditions devant la barbarie humaine.
Que son mérite soit source de bénédiction !
Référence : Docteur Adélaïde Hautval par Georges Hauptmann et Maryvonne Braunschweig, Petit cahier, numéro 25, Cercle d’étude de la déportation et de la Shoah