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Anna Waisman, sculptrice des lettres hébraiques

Quel est le lien entre une ballerine professionnelle promise à un grand avenir et un rabbin, écrivain, pilier de l'école de pensée juive de Paris ? Quelle est la relation entre des lettres hébraïques et la sculpture de la pierre ? Quel est le langage commun entre une femme artiste parisienne assoiffée de liberté et un Alsacien ancien professeur d’allemand ? Les réponses se trouvent dans le livre : Anna Waisman – André Neher. « Cette chose indispensable qui reste invisible et que je sais voir et entendre.
Anna Waisman, sculptrice des lettres hébraiques

Un livre à haute charge émotionnelle, à l’image de la vie de cette artiste d’une rare profondeur d’âme dont je vais tenter de vous raconter l’histoire. Aidée par son fils, le journaliste Samuel Blumenfeld, critique de cinéma au journal Le Monde et grand reporter.

Rendez-vous manqué : avec l’histoire, avec son temps, avec son public. Mais pas avec son identité. C’est ce que m’inspire le parcours d’Anna Waisman. Il est rare de ressentir cette forte tendresse pour une artiste que l’on n’a pas connue. L’impression totalement fantasmée — mais assumée — de ne pas avoir tendu la main à une créatrice surdouée, dont l’avant-gardisme et le talent sans concession ne se rencontrent que quelque fois dans le siècle.

Les échanges épistolaires entre Anna Waisman et André Neher rassemblés dans ce livre bijou évoquent la racine même de la création, les affres de la foi, les interrogations philosophiques, l’Histoire que traversent les auteurs de ces lettres, leur quotidien, leurs joies et leurs peines. Ils sont précieux.

Chacune de ces missives suffit à dépeindre leur état d’esprit, leur environnement et leurs proches. Écrites à la perfection, allant à l’essentiel, leur authenticité nous fait entrer de plein fouet dans l’intimité de ces êtres d’exception.

Mais commençons par le commencement. À la fin des années 1990, Renée Neher remet à Nelly Hansson, alors directrice de la Fondation du Judaïsme Français, la correspondance entretenue par son époux avec Anna Waisman. Il faudra 26 ans, le dévouement de Samuel et Sibylle Blumenfeld, le soutien de la Fondation André et Renée Neher, sous l’égide de la Fondation du Judaïsme Français, pour que le livre paraisse aux Éditions de l’éclat.

Si André Neher est bien connu du grand public, Anna Waisman l’est moins.

Née en 1928 à Strasbourg elle est descendante du Rabbin de Radom en Pologne du coté maternel et son père est artiste peintre. Est-elle le fruit de ces origines ancrées dans la mystique juive et l’art ? Elle ne le sait pas encore.

« C’était une personnalité exceptionnellement forte et, en tant que telle, elle a fait des choix forts qui exigent un prix à payer » explique son fils Samuel Blumenfeld, soulignant la vie difficile de sa mère.

Devenue danseuse professionnelle à l’Opéra de Strasbourg, puis danseuse étoile des Ballets d’Amérique latine, elle voyage à travers le monde, danse devant les reines d’Angleterre et de Belgique… En 1957, une blessure l’a contraint à mettre un terme à sa carrière alors qu’elle s’apprête à intégrer l’Opéra de Paris.

« Cette rupture de parcours provoque chez elle une remise en question. Son accident lui fait prendre conscience qu’elle ne veut plus être au service de la création des autres » explique Samuel Blumfeld.

Elle le dit elle-même : « J’en avais assez de danser sur la musique des autres, je voulais désormais danser sur ma propre musique ».

Elle se tourne alors vers la peinture, puis très vite vers la sculpture en tant qu’autodidacte. Il y a pourtant un lien : celui du mouvement qu’elle imprimera dans la matière brute du minéral.

« Le mouvement et la sensualité de ses sculptures sont clairement hérités de son passé de danseuse. C’est impossible de séparer le mouvement sculpté du mouvement dansé » affirme Samuel Blumenfeld.

Après une première période figurative qui rencontre son succès, Anna Waisman passe rapidement à une autre quête : celle des lettres hébraïques dont elle semble avoir percé le mystère de manière intuitive, quasi-mystique, sans même en connaître le sens.

« Ma mère ne parlait pas hébreu et le revendiquait, disant qu’elle était trop jeune pour cela » précise Samuel Blumenfeld.

Elle a besoin d’un maître pour l’accompagner dans ce qui deviendra l’odyssée d’une vie. Elle contacte André Neher, lequel lui répond avec bienveillance, respect et empathie. Elle est alors transportée, ainsi qu’en témoigne cette émouvante réponse.

« Ne saurez-vous jamais, André Neher, ce que représente pour moi une lettre comme la vôtre ? Savez-vous, André Neher, ce que peut ressentir un artiste tel que je crois l’être, qui sent les choses et les êtres si profondément et au-delà même de leurs pensées ? Savez-vous, André Neher, ce que veut dire être accepté avec ce qu’on a de plus secret, ce que l’on cache au tréfonds de soi-même car il peut être sublime ou laid ? Vous m’acceptez à travers mon art ou sans lui, peu importe, et c’est un sentiment ineffable. »

Selon Samuel Blumenfeld, « le dialogue qui se nouent entre eux reposait sur la volonté de ma mère de s’adresser à un érudit sur la question de la représentation des lettres en trois dimensions qui pose un problème dans la tradition juive. Elle souhaitait des réponses à ses intuitions. Les lettres sont des objets concrets et abstraits en même temps, elles représentent l’art juif par excellence m’expliquait ma mère qui leur a donné une dimension anthropomorphique très forte sans aller jusqu’à la figuration ».

Un vrai défi, un travail d’équilibriste qui confère aux sculptures d’Anna Waisman une subtilité extraordinaire, tant sur la forme que sur le sens même de ces œuvres.

André Neher représente d’une certaine façon le savoir de ce qu’elle perçoit.

« Me croirez-vous si je vous disais que nous nous parlons elles et moi un langage combien secret, exclusif, fait de subtilités, de complicité et d’amour ? et pourtant je les fuis, je voudrais qu’elles me laissent tranquille et faire mon travail sans qu’elles se superposent et s’imposent à mon esprit » écrit-elle à André Neher pour décrire la relation qu’elle entretient avec ces lettres hébraïques qui ne lui laissent aucun répit.

Son fils semble convaincu que « cette démarche artistique s’est imposée à elle sans qu’elle ne l’ait véritablement choisie. Sinon, elle aurait pu choisir un sujet moins exigeant, plus simple pour sa notoriété ».

« La morphologie des lettres hébraïques m’intrigue, me hante, me harcèle ; je ne vois plus qu’elles, partout, et je cherche l’ouverture, je crois la saisir mais je m’échappe avec elles et je me retrouve comme le Het hermétique, les racines enfoncées dans la terre, sans base, et la lettre m’écrase par son toit, m’étouffe sans percevoir le ciel. Je ne connais pas sa valeur, ni mystique ni numérique, mais morphologique : c’est ce qu’elle représente et je n’en démords pas. […] »

En 1963, à la naissance de son fils, elle arrête la sculpture pendant 7 ans.

Comme la vie change, chère Renée, cher André Neher, avec un enfant ! […] écrit Anna à André en 1964. Et de l’interroger : « Samuel me laissera-t-il penser, ne serait-ce que deux heures par jour, à l’art quand il sera plus grand ? » « D’un côté je vis le rôle de mère et c’est merveilleux, de l’autre, je dépéris car ma vie propre se consume […] », et de conclure : « Je vous embrasse et je pleure, je pleure de joie car mon fils est un don du ciel ; je pleure en cachette parce que je maudis l’art. »

C’est à cette période pourtant qu’elle entreprend un travail sur papier d’une importance fondamentale sur le point et le trait à partir desquels reposent toutes les lettres hébraïques. À l’issue de ces 7 années où elle a intériorisé la structure même des lettres, elle décide de les sculpter.

La reconnaissance n’est pas au rendez-vous. « Une carrière qui aurait pu être dans la lumière pourtant trop souvent restée dans l’ombre » regrette son fils.

Anna Waisman en souffre mais assume courageusement.

« Il faut être mort plusieurs fois dans sa vie pour faire positivement de l’art. Celui qui s’y voue et veut faire quelque chose de bon, un apport utile, ne doit pas miser sur l’approbation ou l’appréciation générale, ni même la désirer, mais au contraire n’espérer de sympathie ou d’aide que de très rares cœurs ».

Sa correspondance avec André et Rina Neher lui apporte soutien et courage pour poursuivre son œuvre. « Voici un an que nous nous connaissons, cher André Neher, chère Renée Neher. Un an ou, à chacune de mes lettres, j’ai peur de vous perdre par mon exaltation, mon impatience, la crainte d’avoir chaque fois tout à refaire comme chaque jour qui se lève et où je me sens pauvre. »

Selon son fils, s’il est vrai que les lettres représentent le centre de gravité de son travail, on ne peut pas réduire son œuvre à ce seul axe.

Peintures, collages, constructions, Anna Waisman explore de nombreuses pistes de création, jusqu’à sa disparition en 1995.

Ce livre est une vie d’artiste. Une artiste nécessaire, en avance sur son temps. Il est aussi l’empreinte d’une incroyable amitié nouée avec le couple Neher.

Je vous invite à le lire, car sans que nous en ayons conscience, il nous élève vers un certain absolu qui guidaient Anna Waisman et André Néher.

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