Le rêve d’acheter des terres d’Israël
Le 29 décembre 1901, lors du cinquième congrès sioniste de Bâle, s’est concrétisée une vision audacieuse avec la création du Keren Kayemeth LeIsraël (KKL), un fonds national juif issu de l’esprit novateur du professeur Zvi Hermann Shapira (1840-1898) et soutenu de manière inébranlable par Theodor Herzl. Cette institution allait être le catalyseur du rachat de terres en Eretz Israël, une mission essentielle qui allait avoir des conséquences historiques.
L’origine de ce nom choisi pour cette nouvelle institution vient directement de la Mishna, qui énumère plusieurs éléments, parmi lesquels une personne qui « consomme les fruits dans ce monde, le fonds persiste pour elle dans l’autre monde ». En hébreu, cela se formule ainsi : vé akeren kayemet lo le olam aba. L’attribution de ce nom au Fonds National vise à signifier aux Juifs du monde entier que leurs contributions au Fonds (dans cette vie) seront à leur bénéfice dans la vie future.
La vocation première du KKL était claire : rassembler des fonds pour acquérir des terres en Israël, les rendant ainsi accessibles au peuple juif. Cette initiative visait à faciliter l’immigration et l’intégration des Juifs en Terre sainte.
Pendant la Seconde Guerre mondiale, le KKL continue à acquérir des terres et poursuit notamment ses efforts d’implantation. À l’aube de la proclamation de l’État d’Israël en 1948, le KKL possédait fièrement 12,5 % des terres du pays, une réalisation tangible de son impact sur la réalisation du rêve sioniste.
Les ressources financières du KKL provenaient initialement de trois sources principales. D’une part, des dons généreux recueillis à travers les petites « boîtes bleues », si emblématiques et dispersées dans la diaspora juive. D’autre part, la vente de timbres-poste-KKL, qui servaient simultanément à des fins éducatives, et l’achat d’arbres à planter en terre sainte, au nom d’un enfant, d’un proche.
La célèbre petite boîte bleue en fer
La « boîte bleue », réplique moderne de la traditionnelle koupat tsedaka, était une tirelire en fer, arborant fièrement les couleurs bleue et blanc, ornée d’une étoile de David ou d’une carte de la Terre d’Israël. Theodor Herzl lui-même en possédait une, exposée aujourd’hui dans le musée qui lui est consacré sur le mont Herzl à Jérusalem. Ces boîtes n’étaient pas simplement des collecteurs de fonds, mais des symboles d’un lien profond entre les Juifs de la diaspora et la petite colonie juive en Terre d’Israël. Elles représentaient une connexion tangible entre la Terre Promise et son peuple.
Autres objets de collections, des timbres postes émis par le KKL, tels que le célèbre Timbre de Sion créé en 1902, n’étaient pas de simples objets postaux. Ils constituaient un moyen d’expliquer les objectifs du Fonds et une source alternative de revenus. Au fil des décennies, le KKL a émis plus de 4000 timbres, devenant des objets de collection prisés par les passionnés et les sionistes du monde entier.
Planter ses racines
En complément, l’achat d’arbres pour les forêts du KKL représentait une autre possibilité de collecte de fonds. Ainsi, le Keren Kayemeth LeIsrael a inscrit son nom dans l’histoire en tant que gardien de la Terre d’Israël, reliant les cœurs et les esprits au-delà des frontières géographiques.
Avec la création de l’État d’Israël, l’ordre des priorités s’est trouvé modifié. Le KKL concentre principalement ses efforts sur le reboisement des terres, la construction de routes, l’aménagement des zones désertiques et l’assainissement des eaux. À l’occasion de Tou Bishvat, chaque année des opérations de reboisement sont lancées dans tous les pays, en faisant participer aussi les Juifs du monde à travers les synagogues et les écoles. Qui n’a jamais planté un arbre à Tou Bishvat, Hag Ha Ilanot ?
De nombreux projets vont voir le jour
Au fil du temps, l’urgence et la nécessité d’acquérir des terres et de planter des forêts se sont atténuées, ouvrant ainsi la voie à de nouvelles initiatives plus variées. Toujours axés sur la relation à la terre, ces projets comprennent des initiatives telles que l’aire de pique-nique au kibboutz Ruhama dans le Néguev, devenu un point d’observation dédié à la mémoire des soldats de la Shavetet 13, tombés au combat sur le mont Carmel. Un autre exemple est le parc Ariel-Sharon, inauguré en 2010, qui aspire à être un havre de nature et de sérénité au cœur du Gush Dan.
Dans une perspective de préservation environnementale, le KKL a alloué des fonds à l’achat de camions-citernes tout-terrain équipés des technologies les plus modernes pour lutter contre les incendies, contribuant ainsi à la protection des espaces naturels. L’eau manquante en Israël est un réel défi, ce qui a poussé le KKL à créer des écosystèmes pour remédier à ce problème.
Éduquer à l’écologie et au respect de l’environnement
Cependant, les nouveaux horizons du KKL ne se limitent pas seulement à la nature : l’Alyah et l’éducation deviennent aussi des objectifs. Des initiatives éducatives telles que les bourses étudiantes offrant un soutien financier significatif aux frais de scolarité des nouveaux immigrants pendant trois ans ont été mises en place. Cette démarche vise à encourager l’Alyah des jeunes en facilitant leur accès à l’éducation.
En partenariat avec la Fondation Ramon, le KKL de France a collaboré pour concrétiser un projet mémoriel dédié à Assaf Ramon, donnant naissance à l’académie prémilitaire Beth Assaf. Cette académie propose des cours préparatoires militaires, incarnant ainsi un hommage vivant à la mémoire d’Assaf Ramon.
En outre, le KKL a instauré un programme d’éducation sioniste et écologique, cherchant à sensibiliser la jeune génération à ces deux valeurs essentielles. Dans cette optique, l’organisme équipe les écoles israéliennes écocitoyennes de classes en plein air pour favoriser le développement de leur conscience environnementale. Ces nouvelles orientations du KKL reflètent sa volonté constante d’évoluer et de répondre aux besoins changeants de la société et de la Terre d’Israël.
Lutter contre le fléau des incendies
Parallèlement, le KKL s’investit activement dans le domaine de la sécurité en procédant à l’acquisition de nouveaux camions de pompiers, d’équipements de protection et de mesures de réhabilitation des forêts. Fidèle à sa mission première, qui est de renforcer le lien indéfectible du peuple juif avec sa terre, le KKL met en avant l’importance de rendre les forêts accessibles à tous. À cette fin, des études sont menées pour adapter ces espaces naturels, assurant un accès sécurisé aux personnes handicapées. Dans la même lignée, un parc destiné aux malvoyants est en cours de création, reflétant ainsi l’engagement continu du KKL envers l’inclusion et l’accessibilité pour tous.
Le KKL et la guerre
À la suite des conflits en mai 2021 avec Gaza, la nécessité d’un réseau d’abris mobiles dans le sud du pays a été identifiée. Le KKL a pris l’engagement de financer l’installation de 50 abris mobiles, offrant une protection de proximité aux habitants lorsque la sirène retentit. Ces abris seront judicieusement placés dans des lieux publics et stratégiques.
Depuis le 7 octobre, une date qui restera gravée dans l’histoire d’Israël et dans le cœur de chaque Juif, des initiatives d’urgence ont été mises en œuvre avec célérité. Le KKL s’est mobilisé pour héberger les familles dans des hôtels situés dans les régions les plus sécurisées d’Israël. En outre, il a acquis dix ambulances afin de répondre aux besoins des communautés assiégées dans le sud du pays. En un geste de solidarité sans équivoque, le KKL a également pris la décision stratégique d’acheter des équipements de protection destinés aux membres des équipes de défense civile opérant dans 24 communautés aux abords de la Bande de Gaza.
Critiques et controverses
Au fil des années, le KKL a fait l’objet de critiques et de controverses dans divers domaines. Des inquiétudes ont émergé, soulevant des questions sur la transparence financière et la répartition des fonds pour différents projets.
Le KKL a généré une controverse liée à l’éventuelle acquisition de terres palestiniennes en Cisjordanie. En réaction à cette polémique, la branche américaine du KKL s’est largement dissociée de son homologue israélienne, se présentant désormais exclusivement sous le nom de JNF. De plus, dans le Néguev, le KKL a procédé à l’expulsion de populations locales, notamment les Bédouins, qui ont été intégrés dans des villages spécialement créés pour eux, afin de permettre de nouvelles implantations.
Des critiques ont également été formulées à l’encontre des pratiques passées de déforestation du KKL, suscitant des préoccupations environnementales. Un rapport récemment publié en anglais met en garde contre le risque que les forêts prévues pour les zones ouvertes d’Israël, où les arbres sont naturellement rares, nuisent à la biodiversité et contreviennent aux engagements internationaux d’Israël en matière de conservation de la biodiversité. Les plantations, principalement composées de pins et d’eucalyptus, ont endommagé la flore et la faune locales. Pour remédier à cela, le KKL a modifié sa politique de monoculture en réduisant la densité des plantations et en privilégiant les divers arbres forestiers locaux plutôt que les pins.
Malgré les critiques et les controverses auxquelles le Keren Kayemeth LeIsraël a été confronté, l’organisation a démontré sa capacité à évoluer et à répondre aux préoccupations de la société. Elle demeure une institution dynamique, guidée par une mission constante de renforcer le lien indéfectible du peuple juif avec sa terre, tout en s’adaptant aux besoins changeants de la société israélienne et aux défis contemporains.