Comment les Juifs, d’ordinaires si divergents dans leurs opinions, sont-ils tombés d’accord pour arborer la même tenue depuis des millénaires ?
De plus, nous avons l’habitude de considérer la kippa et le talith au même niveau d’importance, mais est-ce véritablement le cas ?
La kippa, avons-nous l’obligation de la porter ?
Il semblerait selon le Choulhan Aroukh (2 :6) que le port de la kippa en dehors d’un lieu de culte ne soit qu’une mesure de piété pour les hommes, du moment qu’ils ne prononcent pas le nom divin, ainsi qu’en déduit le Maguen Avraham (91 :3).
Le Gaon de Vilna (chap. 8 alinéa 2) dira même que seuls les érudits en Torah avaient pour habitude de se couvrir la tête.
A l’ère du Talmud, les gens n’avaient incontestablement pas plus l’habitude de se couvrir la tête, puisque certains sages demandaient même à être félicités pour le port d’un couvre-chef (Chabbat 118).
Mais alors, si la kippa n’est pas obligatoire au stricto sensu de la Halakha (excepté dans les cas ci-dessus mentionnés), pourquoi la portons-nous tous sans exception ?
Il semblerait qu’il y ait là une raison essentielle qui a su mettre tous les Juifs d’accord. Une première !
Voyons un peu.
Le Talmud (traité Chabbat p. 126) soutient « Couvre ta tête afin que repose sur toi la crainte du Ciel » et d’autre part, le Choulhan Aroukh (9 :2) nous dit que les juges siégeant au tribunal rabbinique se doivent d’avoir la tête couverte par respect pour la présence divine qui réside parmi eux.
D’un côté, une marque de respect en faveur du démiurge, de l’autre, une manière d’en acquérir la crainte ; personne n’est resté insensible à ces arguments.
Ainsi les Juifs, venant de tous horizons, ont pris le pli, chacun selon sa sensibilité – kippa en velours noir, tricotée, colorée, petite ou grande – ,tous ont adopté la coutume de bon cœur.
Le talith ou l’uniforme : une tout autre histoire.
Sa nature est d’ordre divin, tout comme celle du Chabbat.
C’est D.ieu qui en est l’instigateur direct. Ainsi nous lisons quotidiennement dans l’article de foi le Chéma « D.ieu dit à Moïse : Parle aux enfants d’Israël et dis-leur de faire des franges à leurs vêtements » (Nombres 15 :37-38).
Là aussi, les Sages ne se sont pas contentés des écrits, ils se sont efforcés d’en saisir le sens, proposant des explications et sans prétendre déchiffrer totalement l’intention originelle, ils se sont tout de même permis de l’effleurer.
Le Talmud (Menahot 44) considère les franges de l’habit comme les renvois mémoriels constants à l’obligation du service divin.
Le Hinoukh (loi 386), dans son livre référence sur les commandements de la Torah, va dans le même sens lorsqu’il écrit : « L’essence de cette loi est révélée dans le texte – afin que tu te souviennes de toutes Mes lois – et il n’y a rien de plus efficace que de porter le sceau de son maître sur son vêtement constamment. »-
Le talith est semblable à l’estampe d’un roi portée par son valet. Depuis les plaines arides du désert du Sinaï jusqu’aux sociétés post- modernes occidentalisées, les Juifs n’ont jamais cessé de porter leur tenue d’office.
Sous le vêtement, selon certaines interprétations des écrits du Ari za’l, ou au-dessus, à l’instar de certaines traditions Hassidiques, le talith est l’apanage du Juif.
Et même lorsqu’il s’éclipse sous le vêtement durant la journée, au moment de l’office matinal et pendant les jours de fêtes, il pare le gabarit du fidèle pendant sa prière, à l’image de la prophétie de Moïse montrant D.ieu priant, vêtu d’un talith blanc.
D’ailleurs le Midrach (Téhilim) affirme que D.ieu nous compare à Son image lorsque nous sommes couverts de notre talith blanc. C’est sans doute pour cela que nous l’élevons au-dessus des jeunes mariés une fois sous la Houpa, symbolisant la présence divine qui les abrite à cet instant.
Néanmoins, cette tenue, empreinte de la marque céleste, est tributaire de notre perception, car son pouvoir s’estompe une fois la nuit venue, lorsque nous ne pouvons plus en voir les franges, ainsi qu’il est marqué « Et tu les verras » (Nombres 15 :39). Intimement lié à la lumière du soleil, il symbolise la clairvoyance.
En outre, son revêtement est évocateur de pureté lorsqu’en le parant sur son visage, on le fait tournoyer sur soi d’un revers de main tout en fouettant l’atmosphère à l’instar un sabreur qui en dégagerait les mauvaises ondes comme l’évoquaient certains Maîtres de la Kabbale. (Ben Ich Haï, section Béréchit, première année)
Ainsi la kippa et le talith sont des tissus qui habillent de spirituel un peuple en quête de sens.