L’historienne Françoise Ouzan croise les récits de vie de jeunes survivants de la Shoah, en France, aux Etats-Unis et en Israël, qui ont réussi à transformer leurs terribles traumatismes en une énergie vitale et constructive.
« Tu choisiras la vie » nous enjoint la parole divine. Comment les milliers d’enfants rescapés des camps rendus à la liberté en 1945 ont-ils renoué avec la vie, recouvré une identité, réussi dans leur profession, créé une famille ?
Ces questions sont au cœur de la prodigieuse étude de l’historienne Françoise Ouzan, Réussir pour revivre, jeunes rescapés de la Shoah.
À travers les récits saisissants recueillis auprès d’une quarantaine d’anciens enfants vivant en France, aux États-Unis ou en Israël, parvenus à transformer leurs terribles traumatismes en une énergie vitale et constructive, l’auteure renouvelle la perception commune des survivants juifs comme éternelles victimes.
Pour survivre, cette génération cruellement éprouvée s’est renforcée du fait de la destruction, laquelle les a souvent aidés à prendre leurs principales décisions dans la vie, selon leurs dires.
L’étude livre des témoignages d’une force incroyable : « Je voulais “survivre aux années de survie”, “refuser l’identité de rescapé”, “refuser l’identité de victime”, “sortir de l’humiliation” ».
Des phrases percutantes, énoncées au fil d’entretiens qui expriment le besoin de retrouver une dignité afin d’effacer l’impact de l’humiliation par le biais de la réussite sociale.
En un mot : multiplier les réussites pour regagner l’estime de soi et être reconnu par la société.
En France, les rescapés ont adapté leur identité juive personnelle aux exigences de l’État-nation, celles de la laïcité de l’espace public afin de reprendre une vie normale.
Des intellectuels juifs célèbres comme Simone Veil, André Glucksman, Serge Klarsfeld, Boris Cyrulnik ou Georges Pérec ont exposé, à minima, leur identité juive tout en parvenant à transformer une blessure profonde en réalisations littéraires ou politiques ou scientifiques pour s’intégrer au paysage culturel français, auquel ils ont hautement contribué, alors que leurs propres parents en avaient été exclus.
Aux États-Unis, où l’ascension matérielle et sociale demeure la clé de la réussite, le destin d’un Samuel Pisar, brillant avocat international, rescapé d’Auschwitz, devenu à 32 ans conseiller de J.F. Kennedy, en est la plus belle illustration.
En Israël, la reconstruction passe par la force d’une identité juive collective, laïque ou religieuse.
L’expérience exceptionnelle du « Kibboutz Buchenwald », créé sur place par un groupe de 16 jeunes rescapés, a servi de pont vers une nouvelle vie en Erets Israël.
Pour le rabbin Israël Meir Lau, libéré à 8 ans de Buchenwald, le retour sur la terre ancestrale a ancré sa foi et guidé sa vie.
Fait saillant : chacun des anciens enfants rescapés, quel que soit son lieu de résidence choisi, a fait don à la société d’un apport notable.
L’échafaudage rigoureux de cette étude, comme les récits des témoins recueillis par Françoise Ouzan — célèbres ou inconnus —, se laisse lire comme une histoire sous haute tension, placée sous le signe de la confiance en la capacité des humains à le rester. Un puissant message d’espoir au plus sombre de la nuit.
« RÉUSSIR POUR SURVIVRE, jeunes rescapés de la Shoah », Françoise Ouzan
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