Cela fait 40 ans que Brigitte NaHoN travaille sur l’équilibre. L’équilibre dans ses extrêmes et le vertige de la chute éventuelle nourrissent l’œuvre de cette artiste sculpteur. Ses œuvres monumentales traduisent cette impression fugace, presque indescriptible qui imprègne ses sculptures d’une magie incomparable.
Référence internationale dans le monde de l’art contemporain. Brigitte NaHoN est née à Nice, en 1960. Après des études aux Beaux-arts d’Aix-en-Provence et à la Sorbonne, elle reçoit le prestigieux prix « Villa Médicis hors les murs » , en 1994, ce qui conduit l’artiste à Manhattan, où elle vit pendant quatorze ans.
Depuis les Etats Unis, elle fait rayonner son art à travers le monde. En 1995, elle présente ainsi à la Biennale de Venise une installation de globes de verre et d’eau ; en 1999, elle crée sa plus grande sculpture, “Le Passage”, présentée à l’exposition de sculptures contemporaines, « Les Champs de la Sculpture 2000 », sur les Champs Élysées. En 2002, son installation, “Dancing Reeds”, placée dans le hall d’entrée d’une grande entreprise dans l’Ohio, devient la première sculpture monumentale permanente de l’artiste exposée aux États-Unis.
Selon elle, l’équilibre n’est pas un état figé. C’est une succession d’états, un cheminement, une oscillation entre le froid et le chaud, le fragile et l’indestructible. Une quête presque impossible que son art lui permet d’explorer à satiété.
Utilisant des matériaux variés – acier, plexiglas, papier, fil, eau, cristal de Baccarat, cuivre, charbon, pierre, bois – Brigitte NaHoN sculpte, tisse, mélange, effiloche et unit la matière pour la rendre encore plus belle. Elle rend le béton aérien, l’acier mobile, la pierre fluide. Comme si elle avait percé le secret de la matière pour traduire ce qui la taraude. « L’équilibre est le pendant du déséquilibre. Seule la tension entre deux limites peut nous amener à l’équilibre » explique l’artiste qui avoue que sa recherche est liée à son hypersensibilité.
De son œuvre en acier inoxydable, installée devant le Palais de justice et les remparts de la ville d’Avignon, Brigitte NaHoN explique qu’il s’agit d’un « hommage à la justice tout en rappelant sa fragilité ».
Une polarité toujours présente dans l’œuvre de cette sculptrice dont la quête perpétuelle s’exprime à travers des thèmes qui lui sont chers : le vide et le plein, la masse transcendée jusqu’à la légèreté absolue, l’espace et le temps. « La vie est issue d’un savant dosage entre ces concepts. La vie est une prise de risques infinie. C’est ce que je veux traduire dans mes œuvres », explique cette artiste authentique qui a choisi de s’installer à Tel Aviv, depuis 2008.
Avec l’équilibre, il y a aussi le lien et la transmission.
« Je n’ai pas d’enfants, mais je suis ancrée dans l’histoire de mes parents, grands-parents et ancêtres. Avec tout ce que le peuple juif a subi, le fait que nous soyons restés juifs me laisse admirative ».
Elle a d’ailleurs fait don d’une magnifique œuvre au Campus Mikvé Israël intitulé “Hommage” qui atteste du lien entretenu par son grand-père avec ce lieu emblématique du début de l’histoire sioniste moderne.
Brigitte NaHoN est née à Nice dans une famille tunisienne orthodoxe moderne. Ses parents, tous deux d’origine séfarade, ont déménagé en France en 1956. Les grands-parents de Brigitte étaient des Juifs grecs (de l’Empire ottoman), italiens, tunisiens et égyptiens. Elle a grandi dans un foyer très sioniste, où ses parents étaient impliqués dans la communauté juive locale.
« Boucler la boucle en permettant aux visiteurs et aux jeunes étudiants du campus Mikvé Israël de contempler leur reflet dans cette sculpture est une manière de relier les individus en transmettant une histoire » explique-t-elle.
Quand on demande à Brigitte NaHoN quelle est pour elle la source absolue d’équilibre elle répond immédiatement « C’est la vie. Pour vivre nous devons trouver l’équilibre, que nous le voulions ou pas ».
Et quel serait alors le synonyme ultime de l’équilibre pour Brigitte NaHoN ?
« L’harmonie bien sûr ». Cette même harmonie à laquelle la mystique juive a donné un nom: Tiferet; La 3e séphira qui fait se rejoindre la gévoura (rigueur mais aussi la force et le courage) et le hessed (la bonté).
Tiferet fait également référence à la beauté. Logique, car la beauté est source d’harmonie. Une harmonie propre aux œuvres d’art authentiques, lesquelles sont autant d’invitations délicates à retrouver notre équilibre. Même si ce n’est qu’éphémère.
« L’équilibre c’est retenir son souffle pour que la magie dure encore un peu » déclare Brigitte NaHoN qui précise en riant : « Parfois je suis moi-même surprise par l’équilibre instable qui naît de mes installations. D’ailleurs c’est aussi une démarche en soi que d’interpeller le spectateur sur les matières qui les composent. Du verre qui soutient du bois, du bois qui soutient de l’acier… Parfois ce que l’on pense solide est fragile et inversement ».
L’équilibre dans ses extrêmes et le vertige de la chute éventuelle nourrissent l’œuvre de cette artiste sculpteur, dessinateur dont les installations et les performances portent une grande influence venant de la danse contemporaine.
La démarche artistique de Brigitte NaHoN « repose sur la conviction que nous portons tous la responsabilité de vivre le monde avec son équilibre imprévisible qui laisse apparaître la beauté de la vie ». Celle dont le nom de famille veut dire “juste”, “vrai” – et qui l’orthographie avec une esthétique artistique (NaHoN) répondant à sa recherche d’équilibre – est d’une humilité extrême.
C’est peut-être ce qui l’aide à accepter son statut d’artiste désormais israélienne. « En Israël le milieu artistique a du mal à comprendre que l’on ait pu quitter New-York et Paris pour venir s’installer ici. Mais pour moi ce qui compte c’est être en adéquation avec son chemin de vie ».
Le vrai équilibre finalement…