Depuis la première vigne plantée en terre d’Israël pour en faire du vin par Noé à la sortie de son arche (Genèse, 9, 20), le raisin est l’un des symboles d’Israël.
Nous n’allons pas revenir sur les racines historiques du vin en Israël mais raconter l’épopée moderne de la production vinicole depuis le XIXe siècle à nos jours.
En 1870, le baron Edmond de Rothschild, qui veut développer l’agriculture en terre d’Israël, décide de planter du raisin et, quelques années plus tard, crée une première cave à Mikvé Israël, dans le centre du pays, avant de lancer Carmel, le domaine viticole le plus connu d’Israël.
Parmi les pionniers sionistes qui vont trouver du travail à Carmel, l’histoire se souvient de David Ben Gourion, qui y a fait un passage rapide.
En 2023, Carmel et son logo avec l’image des explorateurs portant du raisin est l’un des deux plus grands producteurs de vins israéliens.
Mais la fin du XIXe siècle voit l’apparition d’autres vignobles, notamment celui de Shimon Friedman, l’un des dirigeants de la communauté juive de Haïfa, une cave aujourd’hui disparue, et celui de la famille Shor à Jérusalem.
Pionnière de la fabrication du vin en Israël, la famille Shor fonde son vignoble au cœur de la vieille ville de Jérusalem en 1848. Le mur oriental de la cave Shor était tout simplement… le Kotel. Utilisant des raisins de la région d’Hébron, Shor produit et vend du vin essentiellement destiné au kiddouch des familles religieuses de la ville sainte. En 1929, à la suite des émeutes arabes, le vignoble quitte la vieille ville et s’installe dans le quartier de Beit Israël. Au fil des années, la famille Shor va fonder plusieurs vignobles et dirige aujourd’hui sept caves — Zion, 1848, Arza, Hayotzer… — produisant toujours essentiellement des vins de kiddouch mais aussi des vins secs plus délicats ces dernières années.
Installée dans la zone industrielle de Mishor Adumim, près de Jérusalem, la famille Shor, qui a conservé la propriété de la cave depuis 175 ans, reste l’un des symboles de l’industrie vinicole israélienne, tout en utilisant ces dernières années le savoir-faire français avec notamment l’apport des œnologues franco-israéliens, Ilan Assouline aux manœuvres de « 1848 » et Philippe Lichtenstein à Hayotser.
En 2023, si une dizaine de caves produisent plus de 80 % du marché, on dénombre plus de 250 autres caves israéliennes, le vin étant devenu populaire sur les tables locales.
Partons à la découverte des caves les plus importantes du pays en suivant une « route des vins » depuis les hauteurs du Golan jusqu’à la frontière égyptienne.
Pas de classement qualitatif dans cette liste car chacun a ses préférences mais juste un panorama rapide des caves — « yékavim » en hébreu — les plus connues et les plus intéressantes et uniquement cashères, car si la majorité des vins fabriqués ici le sont, des dizaines de caves font du vin non surveillé.
Galilée et Golan
C’est dans le nord du pays, entre les bords du lac Kinneret, les collines de Galilée et les hauteurs du plateau du Golan, qu’il y a le plus de vignobles, le climat de cette région offrant de nombreuses opportunités aux œnologues.
Ramat Hagolan
Premier vignoble installé sur le plateau du Golan en 1983, Ramat Hagolan, dirigé par Victor Schoenfeld, un des œnologues les plus connus d’Israël, est l’un des cinq plus gros producteurs de vins israéliens.
Obtenant des prix rapidement sur la scène internationale, le Yékev exporte une grande partie de sa production faite à 85 % à partir de raisins du Golan, un terroir idéal pour le vin.
Recanati
La famille Recanati, d’origine grecque, est réputée en Israël depuis l’Aliyah du patriarche de la famille en 1935, Léon Recanati. Industriels, banquiers, hommes politiques, philanthropes, les Recanati sont sur le devant de la scène depuis presque un siècle.
En 2000, Leny Recanati fonde cette cave en Galilée qui s’est imposée comme l’un des vignobles les plus connus d’Israël. En dehors des cépages traditionnels israéliens, Recanati produit des vins à partir de cépages utilisés dans l’Antiquité dans la région comme le Marawi et le Bittuni.
Tabor
Cette cave — l’une des plus grandes d’Israël — a été créé en 1999 par quatre familles de Kfar Tabor en Galilée. Une chouette, sur leur logo, indique leur implication dans la protection de l’environnement depuis 2012, une des marques de fabrique de Tabor.
Tishbi
Encore une histoire liée au Baron de Rothschild qui demande au couple de viticulteurs Michael et Hannah Hemilski, venus de Lituanie et vivant à Shfeya, près de Zikhron Yaakov, de fournir des raisins pour Carmel.
En 1935, les Hemilski deviennent Tishbi, un nom hébraïque que leur suggère le poète Haïm Nahman Bialik — acronyme de Toshav Shfeya Béeretz Israël — qui séjourne chez eux. En 1985, les descendants du couple créent leur propre vignoble, qui abrite un restaurant réputé à Zikhron Yaakov.
Netofa
Pierre Miodownik, un œnologue franco-israélien de génie qui a à son actif la production de plusieurs vins casher en France parmi les meilleurs du monde, décide de créer son vignoble en Galilée en 2006.
Associé à un ancien pilote passionné de vin, Yitzhak Tor, ils ont, en moins de dix ans, réussi à se placer sur la carte des vins d’Israël, avec un vin à la fois proche des vins européens mais aussi typiquement local.
Tulip
Combinant « l’amour du vin et des gens », selon leur site, le vignoble Tulip a la particularité d’employer des personnes avec des besoins spéciaux.
Depuis sa création en 2003, cette marque de fabrique, « l’esprit Tulipe », rend cette cave installée à Yoval en Galilée, particulièrement attachante, au-delà de la qualité de ses bouteilles.
Centre du pays
Barkan et Segal
Ces deux vignobles produisent environ 25 % du vin israélien et sont les héritiers d’une des premières caves du pays, le Yékev Friedman, fondé à Haïfa à la fin du XIXe siècle. Installés au kibboutz Houlda, les deux caves ont la particularité d’utiliser des raisins de tout le pays pour la production de 10 séries différentes.
Barkan s’est adjoint récemment les services d’un œnologue d’origine française, Olivier Fratty, qui a longtemps exercé chez Teperberg. Ce qui caractérise Barkan, c’est de produire des vins accessibles à tous, tant au niveau du goût que du prix.
Barkan obtenu plus de 500 médailles lors de concours internationaux, devenant l’une des caves israéliennes les plus connues du monde.
Vitkin
Située dans le village de Kfar Vitkin, cette cave prestigieuse s’est offert les services de l’œnologue Assaf Paz, le premier israélien diplômé de la faculté d’œnologie de Bordeaux. Ses vins typiquement israéliens — un de ses mélanges s’appelle d’ailleurs Massa Israéli, « voyage israélien » — sont paradoxalement assez proches des vins français ou italiens, un mélange méditerranéen, qui en fait l’une des caves plus réputées du pays.
Jérusalem et environs
Teperberg
Encore une cave historique, fondée en 1870, dans la vieille ville de Jérusalem. Ce vignoble, après des années de production de vins de kiddouch, s’est mis aux vins secs, rouges, blancs et rosés, depuis 20 ans.
Détail important, le Yékev actuel est dirigé par le descendant direct de son fondateur, Avraham Teperberg, qui avait immigré d’Autriche en 1830 en Eretz Israël.
Avec plusieurs millions de bouteilles par an, Teperberg est l’un des plus gros producteurs vinicoles israéliens.
Mony
Fondé par Shakib Arkol, un chrétien marchant d’olives venu de Galilée pour la vallée de Sorek, dans les monts de Judée, Mony — du nom d’un membre de la famille Arkol — est devenu casher en 2005 et offre une gamme de vins très variée, avec un rosé ressemblant aux rosés de Provence.
Tzora
Au cœur des monts de Judée, le vignoble Tzora fabrique des vins qui se sont fait un nom à l’international surtout depuis que son œnologue Eran Pick est devenu le premier israélien en 2016 à obtenir le prestigieux titre de Master of Wine, qui récompense les meilleurs œnologues du monde.
Et pour l’anecdote, Tzora utilise les conseils d’un des plus grands œnologues français, Jean-Claude Berrouet, qui a travaillé pour Petrus, l’un des meilleurs vins du monde.
Domaine du Castel
Eli Ben-Zaken, qui a fait son Aliyah d’Italie dans les années 1970, avait comme rêve de devenir agriculteur en Israël. Passionné par la viniculture, il produit ses premières bouteilles en 1995 et va devenir l’un des noms les plus emblématiques du vin israélien de qualité.
La visite dans la cave familiale installée à Yad Shmona, dans la région de Jérusalem, vaut le détour.
Judée-Samarie
Pour beaucoup de gens, la Judée-Samarie est une zone dangereuse en raison des attentats palestiniens, mais ces dernières années, on dénombre plus de 30 caves qui proposent des vins qui n’ont rien à envier aux vins produits de l’autre côté de la ligne verte qui sépare Israël de cette région.
Psagot
Le Yékev Psagot, créé en 2003, s’est fait connaître en 2020 lors de la visite du Secrétaire d’État américain Mike Pompeo.
Rompant avec les règles de la diplomatie occidentale qui considère la présence israélienne dans cette zone comme illégale au regard du droit international, M. Pompeo s’est rendu chez Psagot, près de Ramallah. La cave a d’ailleurs donné son nom à un de ses millésimes.
Yaakov Berg, le propriétaire de la cave, ne cache pas ses ambitions de changer les mentalités occidentales sur la Judée-Samarie grâce à ses vins.
Gush Etzion
Souvent comparée à la Toscane, la région du Gush Etzion, au sud de Jérusalem accueille plusieurs vignobles, mais le pionnier est Shraga Rosenberg qui produit du vin depuis 2005 après avoir créé des liqueurs de cerise, un des fruits emblématiques de cette région.
Installé sur le carrefour du Gush Etzion, il abrite aussi un restaurant et une salle de fêtes.
Tura
Lors de la dernière cérémonie officielle de Yom Ha’atzmaout, Vered Ben Saadon, propriétaire et fondatrice avec son mari du Yékev Tura, a allumé une torche. Cet honneur lui a été donné car sa cave, installée dans la petite localité de Rehalim, en dehors de la qualité de ses vins, est devenue l’un des symboles du renouveau de la présence juive en Samarie.
Ramat Hevron
Plusieurs vignobles se sont installés à Hébron et dans les alentours, le raisin de la région étant très réputé depuis l’antiquité.
Michel Murciano, d’origine française, s’est installé à Kyriat Arba par idéologie il y a plus de 22 ans, et produit des vins qu’il exporte dans le monde entier, la marque « Hébron » apportant un élément décisif pour beaucoup d’acheteurs qui se sentent ainsi reliés à la ville des patriarches.
Néguev
Le Néguev n’apparaît pas de premier abord comme un lieu idéal pour produire du vin, mais suivant le rêve de Ben Gourion de faire fleurir le désert, les agriculteurs de la région se sont également mis à la production de vins avec environ 15 vignobles sur place.
Ramat Néguev
Situé près de la frontière égyptienne, c’est l’un des premiers vignobles du Néguev.
Avec 3 000 bouteilles en 2000, ils ont obtenu un premier succès d’estime et, depuis, c’est environ 300 000 bouteilles par an qui sortent chaque année de cette cave.
Pinto
Le dernier venu dans le Néguev est une initiative de la famille Pinto, des philanthropes venus de France qui ont décidé de développer le Néguev et plus spécialement la ville de Yerouham.
Gage de la qualité du vin, les Pinto ont engagé l’un des œnologues les plus connus du pays, Yaakov Oriya, qui est aussi consultant pour d’autres caves et produit son propre vin orange, un must très recherché par les amateurs de ce vin particulier.
Et les Français ?
Une vingtaine de vignobles en Israël sont dirigés par des franco-israéliens ou ont un œnologue d’origine française.
En dehors de ceux évoqués plus haut, on peut mentionner le Domaine Seror, La Citadelle de diamant, Domaine Herzberg, Domaine Ventura, Ephod, Château Remo, La forêt blanche — ex Livni…
Il existe aussi un bar à vins casher à Jérusalem, Wine and Friends, tenu dans un esprit de qualité à la française par le franco-israélien Réouven Adam.
Magasin de vins en journée, il se transforme en bar le soir avec la possibilité de boire une bouteille parmi plus de 200 bouteilles différentes quasiment aux prix de vente du magasin.
Bonne dégustation !