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De Thunberg à Khamenei : la double guerre d’Israël, par l’image et par le feu

Alors que les missiles pleuvent entre l’Iran et Israël, un autre champ de bataille se joue à ciel ouvert : celui des récits. Car dans cette guerre multiforme, les caméras pèsent autant que les drones. La récente affaire de la « flottille » Madleen, mise de côté sur la scène médiatique grâce à l’embrasement régional, reste pourtant révélatrice d’une réalité plus profonde : la guerre menée contre Israël est aussi – et peut-être d’abord – une guerre de perception. Entre Torah, propagande et mémoire biblique, retour sur une bataille qui ne dit pas son nom, mais qui façonne les consciences.
Double Guerre

Le 9 juin, un petit voilier transportant douze passagers atypiques, dont Greta Thunberg et Rima Hassan, affronte Tsahal, non sur un champ de bataille, mais sur le terrain brûlant de la guerre d’image.

Dans la nuit du 8 au 9 juin, le Madleen, affublé du label « flottille humanitaire », est intercepté alors qu’il tente de briser le blocus maritime imposé à Gaza[1]. Dans ce contexte, pour l’observateur extérieur, les mots « humanitaire », « blocus », « résistance » mettent spontanément en scène la fable dans laquelle les héros pacifistes défient une puissance brutale pour sauver un peuple affamé.

Lorsque se déchire le voile des illusions, la fiction se dissipe.

Le créateur de cette fable, le stratège de cette opération n’est autre que Zaher Birawi[2], citoyen palestino- britannique, membre de nombreuses ONG liées à la cause palestinienne, et reconnu comme un relais du ´Hamas, cette tristement célèbre organisation responsable du massacre du 7 octobre.

Quant à l’aide alimentaire embarquée ?

Une maigre cargaison de sacs de farine, et surtout beaucoup de caméras. L’objectif n’était donc pas de ravitailler Gaza, mais de produire un récit[3].

Ironie de la réalité, dans cette tragédie mise en scène  par ce théâtre flottant qui mobilise les projecteurs, c’est Israël, en coordination avec les États-Unis et des ONG, qui achemine quotidiennement des tonnes d’aide[4].
Et le blocus maritime, loin d’être un instrument d’affamement, est reconnu comme une mesure de sécurité légitime par le rapport Palmer des Nations Unies[5], destiné à empêcher le réarmement du ’Hamas.

Cette guerre d’image n’est pas nouvelle. Elle a simplement changé d’échelle. En octobre 2023, avalanche d’accusations internationales contre Israël, suite à la chute d’un missile sur un hôpital de Gaza : on parlait déjà de « génocide », accusation forgée à partir de fausses informations issues du narratif du ´Hamas, alors que les faits avérés attribuaient la responsabilité du tir du missile à ce dernier.

Depuis, les mots sont devenus des armes de propagande : « Shoah », « nazisme », « occupant », « libérateurs », autant de termes inversés, tordus, détournés.

En dépit de la guerre et de la réelle crise humanitaire à Gaza, les terroristes du ´Hamas ont démontré, lors de leurs cérémonies grotesques de « libération » d’otages israéliens, qu’ils disposent de moyens techniques sophistiqués pour élaborer des mises en scène dignes de studios de cinéma. Ils offrent ainsi la preuve de leur investissement massif dans l’image qu’ils veulent imposer de cette guerre.

En effet, toute guerre s’accompagne d’un récit, d’un narratif, d’une propagande : le sujet ne se restreint pas à un rapport de force ou à la défense d’un territoire, il faut également conquérir les esprits.

On l’observe clairement dans la guerre en Ukraine, où Russes et Ukrainiens se renvoient mutuellement l’accusation d’incarner le nouveau nazisme, chaque partie se posant en rempart contre le mal absolu. On trouve ces narratifs également dans les conquêtes coloniales, où l’asservissement de peuples entiers se justifiait par la prétention à leur apporter les  lumières de la religion ou celles de la civilisation.

Aucune guerre ne se limite aux armes, elle s’entoure d’un récit qui la pare de valeurs, qui la légitimise, qui la rend racontable. Parce qu’il ne suffit pas de combattre, il faut également pouvoir justifier son combat.

Ce qui interpelle donc dans la guerre menée contre Israël, c’est ce « deux poids deux mesures » devenu systématique dans l’analyse des faits. Alors que personne ou presque ne s’est vraiment ému du nombre de civils écrasés sous les bombes de la coalition internationale contre Daesh, ni  de ceux fauchés par les frappes de l’ONU en Serbie, le monde entier observe au microscope chaque tir de Tsahal.

À chaque instant, une question lancinante revient alors : Israël a -t-il vraiment une armée « morale » ?

Ce débat, qui ne fut jamais mené avec une telle obstination concernant les armées occidentales engagées en Algérie, au Vietnam ou en Irak, devient actuellement pathologique, obsessionnelle, à sens unique jusqu’à en donner la nausée. Comme si seul l’État juif devait prouver, chaque jour, sa pureté éthique pour avoir le droit de se défendre.

Ce n’est pas là un hasard, et en revenant aux enseignements de la Torah sur la conquête de la terre de Canaan par Yehochoua/Josué, je souhaiterais éclairer ce qui est pour moi le fond du problème.

 

Rahav et les explorateurs : un affrontement moral

La conquête d’Israël par Josué[6] commence par Jéricho mais, avant même que ne tombe le premier mur, le récit s’ouvre sur un détour inattendu : deux espions, Kalev et Pin’has _ figures exemplaires de piété — pénètrent dans la ville… en se rendant chez Rahav, une prostituée. Le Talmud[7] souligne le paradoxe : Rahav, femme à la réputation sulfureuse, faisait frémir de désir les plus grands  à la simple évocation  de son nom. Terrifiés par les victoires d’Israël, les seigneurs de la région, tétanisés de peur, n’avaient plus d’élan… que pour elle.

Le roi de Jéricho est rapidement alerté et exige : « Livre les hommes venus chez toi ![8] » Une scène qui rappelle Sodome, dont  les habitants réclamaient à Loth de leur livrer les anges venus sous son toit. Ici encore, deux hommes justes se trouvent en danger. Et pourtant, seule Rahav connaissait leur présence… Certains Sages suggèrent qu’elle aurait pu elle-même alerter le roi, blessée dans son orgueil par ces deux hommes qui lui avaient résisté.

Cependant, au moment crucial, Rahav se ravise, elle les cache sur le toit et, littéralement, elle s’élève. Cet élan marque le début de sa transformation : dans le texte, elle cesse d’être “Rahav la prostituée” pour devenir “la femme”. Le regard qu’on lui porte change, et elle s’y transforme.

Les versets de ce chapitre du livre de Josué mettent en lumière un fait étonnant : les deux explorateurs partent de Chittim et arrivent chez Rahav la prostituée. Ce point de départ n’est pas anodin. À Chittim, les enfants d’Israël avaient campé alors que Bil’am, prophète non-juif mandaté par Balak roi de Moav, avait tenté en vain de les maudire. D.ieu les avait alors protégés. Mais Bil’am, déterminé, imagina une ruse : faire tomber Israël dans la faute pour briser cette protection. Il fit séduire les hommes par les filles de Midian, les entraînant dans la débauche et l’idolâtrie, jusqu’au culte abject du Ba’al Péor. Chittim devient ainsi le symbole d’une chute morale. Et c’est précisément de là que les explorateurs sont envoyés. Une manière subtile de suggérer une réparation, un nouveau départ depuis le lieu même de la faute.

Le Zohar[9] fait à ce sujet une analogie audacieuse : ces deux justes réparent en fait la faute des “fils des Elohim” (Béréchith/Genèse 6:2), qui, au temps de Noé, s’étaient laissé entraîner par la luxure. Ici, Kalev et Pin´has résistent à la tentation. Ils ne voient pas un corps à prendre, mais une âme à révéler. Comme Rabbi Akiva[10] face à la femme du gouverneur romain Rufus : elle cherche à le faire chuter, mais il lui porte un regard de haute élévation et elle finit par se convertir.

Rahav, habituée à l’emprise et au mépris, découvre un regard neuf, qui ne consomme pas mais reconnaît. Et ce regard l’élève. Elle sauve les espions et demande à être épargnée. Elle devient ainsi la première « conquête » de cette campagne : non une cité, mais une conscience.

Le Midrach[11] va encore plus loin : il compare son toit à ceux des maisons juives à la veille de la destruction du Temple. Là où les Hébreux cacheront des idoles, Rahav cache les envoyés de D.ieu. Ce qui était faute chez les uns devient vertu chez elle : la trahison devient fidélité, le mensonge devient protection, la manipulation devient hospitalité. Elle finira par épouser Yehochoua/Josué. Elle, la prostituée “internationale”, devient une femme d’Israël.

Les enfants d’Israël savent d’où ils viennent. Leur mission commence à Chittim, ce lieu lourd de sens.

Mais précisément parce qu’ils en viennent, ils savent ce que signifie se relever. Leur trajectoire n’est pas celle de l’oubli ou du déni, mais celle de l’élévation. Là où ils sont tombés, ils aspirent à se redresser. Tandis que les nations les scrutent, impatientes de pointer la moindre incohérence, promptes à déclarer : « Les Juifs ne sont pas ce qu’ils prétendent être », Israël ne nie pas sa fragilité. Il assume ses origines depuis Chittim. La question est alors : que fait-il de cette origine ? Lorsqu’il parvient à garder sa hauteur morale, même ses adversaires le reconnaissent. C’est Rahav, elle-même, qui nous ouvre les portes d’Israël. Et c’est là, précisément, que le peuple d’Israël finira plus tard, en miroir tragique, par rouvrir une brèche — celle qui mènera à la destruction du Temple. Là où tout peut s’élever… ou s’effondrer.

 

Le sens juif de la guerre : un combat d’âmes

Car la Torah ne nous présente jamais les batailles comme des concours de force brute. Même les douze espions de Moché, sont envoyés, selon le Talmud[12], pour savoir si Iyov/Job, le grand juste non-juif, vit encore en Canaan. Si c’était le cas, sa présence aurait pu suffire à protéger les habitants par son mérite moral.

Autrement dit : une guerre ne se gagne pas seulement par les armes, mais aussi par le crédit spirituel de ceux qui qui combattent.

La leçon ultime : de quel côté est la morale ?

La guerre d’image est donc, pour le judaïsme, plus qu’un outil de persuasion. C’est un baromètre spirituel : si nos actes sont réellement justes, ils finiront par apparaître comme tels, même si le monde les déforme.

Mais si nous cessons d´aspirer à  cette intégrité morale, si nous nous contentons d’avoir une “bonne image” sans éthique pour la soutenir,  alors nous perdons la guerre, même si nous remportons des batailles.

Yehochoua ne conquiert pas Jéricho avec des catapultes : il  la fait tomber avec des chofars et par une marche « sanctifiée » autour de la ville. Mais la première brèche dans les murailles, c’est Rahav qui l’aura ouverte. En reconnaissant que le D.ieu d’Israël est le D.ieu du ciel et de la terre. En croyant que les hôtes qu’elle reçoit sont annonceurs d’un monde différent.

C’est ce modèle que nous devons revendiquer aujourd’hui. Non pas par stratégie. Mais par fidélité. À ce que nous sommes. À ce que nous portons. Et à la promesse que nous incarnons.

 

 

[1] https://video.lefigaro.fr/figaro/video/le-bateau-humanitaire-transportant-rima-hassan-et-greta-thunberg-a-gaza-intercepte-par-larmee-israelienne/

[2] https://x.com/JeremBenhaim/status/1932509096512548921

[3] https://www.terrorism-info.org.il/fr/un-activiste-palestinien-de-grande-bretagne-affilie-au-hamas-reconnaitque-les-flottilles-destination-de-la-bande-de-gaza-ne-visent-pas-briser-le-siege-ni-transferer-de-laide-humanitaire-mais/

[4] https://fr.timesofisrael.com/liveblog_entry/gaza-la-societe-ghf-dit-avoir-livre-14-millions-de-repas

[5] Rapport Palmer (ONU) : https://digitallibrary.un.org/record/720841

[6] Livre de Yehochoua chapitre 2

[7] Traité Méguila 15a

[8] Livre de Yehochoua chapitre 2 verset 3

[9] Sifra di-Tsniouta, 4ème partie, Siman 54

[10] Talmud traité Nedarim 50b

[11] Yalkout Shimoni, livre de Yehochoua, Remez 11

[12] Traité Baba Bathra 16a

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