Les affrontements commencent avec des pertes humaines considérables dès les premiers jours.
Tsahal redressera la situation à partir de la deuxième semaine, mais pour la première fois, une amère déception face à son mythique ministre de la Défense, Moshe Dayan, se ferra sentir dans le peuple.
Le témoignage radio déchirant, de soldats encerclés par les Égyptiens, pris au piège dans leurs propres positions, appelant au secours pendant trois jours avant d’être abandonnés par un état-major dépassé, marqueront de cicatrices indélébiles la conscience israélienne.
Face à cette crise de confiance envers les dirigeants militaires et politiques, une enclave béante s’ouvre, dans laquelle s’abîment idéaux, bravoure militaire, médailles et médaillés: les Israéliens commencent à douter.
Lorsque les idoles tombent, elles laissent un vide où commencent à poindre les grandes questions identitaires.
Les premiers pas de la Techouva moderne
A cette période, d’immenses personnalités de la bohème tel-avivienne — comme Ouri Zohar (réalisateur, comédien, animateur), le peintre Ika Israeli ou le comique Poupik Arnon — osent les premiers remettre en question les dogmes de la gauche laïque dans lesquels ils ont grandi. Ils font le pas vers le judaïsme authentique, entraînant derrière eux des milliers, puis des dizaines de milliers d’Israéliens.
À cette époque, des organismes comme Arakhim sont créés pour proposer des séminaires où les bases du judaïsme sont brillamment expliquées par des professeurs de haut niveau — eux-mêmes revenus à la pratique.
De 1973 à nos jours, on peut parler d’une véritable révolution juive intérieure. La couleur du pays change subtilement : ce qui avait été relégué au rang de folklore où de nostalgie familiale ressurgit, plus vivant que jamais.
L’essor du “Shass” et du judaïsme oriental
Les médias, devant ce nouveau phénomène, dépassés, interloqués, mais surtout dérangés, tiennent absolument à présenter ce mouvement comme marginal; ils s’y intéressent avec méfiance, puisque certains de leurs plus beaux fleurons y ont adhéré, et présentent ceux qui “ont changé de bords”, comme des fantasques, bourrés de problèmes et cherchant dans la religion, un opium existentiel. Le retour au judaïsme est présenté comme une fuite pour faibles.
Mais la vague est déferlante.
Le monde séfarade et oriental, qui ne s’était jamais vraiment coupé de ses racines ( grand-mère encore avec la tête couverte), se reconnait dans le nouveau parti du Rav Ovadia Yossef, appelant au retour à la splendeur du judaïsme oriental.
Le parti Shass, dirigé par un jeune Aryeh Deri et soutenu par Rav Shakh, explose alors aux élections : en 1984, il entre à la Knesset avec 4 mandats ; en 1988, il en obtient déjà 6 ; en 1992, 10 sièges ; en 1999, il devient la troisième force politique du pays avec 17 mandats.
L’ ascension est fulgurante.
Ces changements sociaux et politiques transforment la rue israélienne : l’employé de banque porte une kippa, les infirmières se couvrent la tête, la tonalité générale des villes, de Jérusalem à Beer Sheva, passe d’un traditionalisme discret à une religiosité visible.
Le deuxième carrefour incontournable de ce retour aux sources, est évidemment le drame du 7 octobre 2023. On dirait que ce tragique événement est comme “chablonné” sur la guerre du Kippour, 50 ans plus tard. A nouveau, les conceptions sécuritaires volent en éclat, et un état major trop sûr de lui, commet un erreur d’appréciation monumentale face à l’ennemi, qui mène au désastre.
Là aussi, le choc est si violent, que la société israélienne entière est sidérée. Elle doit repenser toutes ses certitudes et elle se retourne instinctivement vers son patrimoine.
Il n’y a pas un témoignage de rescapés ou d’otages revenus de captivité, qui ne mentionne son rapprochement à la foi de ses pères.
Lorsque le sol se dérobe sous ses pieds, le peuple juif sait, instinctivement vers Où se tourner. Et à nouveau, en 2025, des artistes, des journalistes, des high techistes, et même… des politiques (cas unique dans l’ histoire de la Knesset) se retournent vers leur judaïsme et mentionnent le nom du D.ieu d’Israël.
Les résistances du système laïque
Les médias et le système judiciaire, encore aujourd’hui, fidèles à leur vision d’une Israël laïque coûte que coûte, mettent en garde contre ce dangereux « endoctrinement religieux » (hadata), censé mener à une coercition générale du pays à la loi juive –medinat hala’ha-.
Le futur d’Israël, selon eux, ressemblerait à Téhéran.
On sourit.
Entre l’intégrisme islamique et l’équilibre bienfaisant du respect de la Torah, il y a quand même un monde…
La fameuse question posée par le Rav Schakh en mars 1990 aux kibboutzim ultra-laïques :
« En quoi êtes-vous juifs ? »
— a résonné à l’époque comme un coup de tonnerre.
Aujourd’hui, la réponse est donnée : le peuple juif installé à Tsion a choisi son orientation spirituelle.
Quantitativement et qualitativement, Am Israël, c’est clair, revient à la maison.