La célébration de la Bat-Mitsva, bien que non documentée dans les sources anciennes, a été un sujet soulevé par les sages quant à l’âge auquel les filles devraient adhérer à la halakha et accomplir les mitsvot[1]Mishna, Nida 55-46 ; Guemara, Yavmot 4-11.
L’absence de preuves historiques des célébrations de la Bat ou Bar Mitsva est un fait indéniable. Pourtant, au cours de l’histoire, un rituel s’est graduellement développé pour les garçons dans les synagogues, tandis que, pour les filles, il est apparu bien plus tardivement. La jeune fille âgée de douze ans devenant alors capable d’assumer ses responsabilités vis-à-vis de D.ieu et d’autrui se trouve, à partir de ce moment, soumise à la loi et devient un membre à part entière dans la communauté.
Les premières manifestations de cérémonies de Bat-Mitsva remontent au XIXe siècle, émergeant principalement des communautés italiennes. À Milan et Turin, les filles étudiaient des sujets halachiques et thoraniques avec le rabbin de la communauté de 11 à 12 ans, pendant leur année de Bat-Mitsva. Pendant les festivités de Chavouot, elles se réunissaient dans la synagogue vêtue de blanc pour exposer un commentaire sur leur paracha de naissance et prononcer une bénédiction devant l’Arche d’Alliance. Des pratiques similaires étaient observées au Danemark et en République tchèque, où une prière spéciale était dédiée à la Bat-Mitsva.
Dans d’autres régions, comme dans la communauté juive d’Alexandrie, une cérémonie impliquant une chorale d’enfants et une séance photo collective marquait l’arrivée à l’âge de treize ans pour les jeunes filles et les garçons. Dans les communautés d’Afrique du Nord, une tradition appelée « cérémonie d’éducation des filles » se tenait le septième jour de Hanoucca, comprenant des chants, des bénédictions de la part du rabbin de la communauté et d’autres coutumes symboliques.
La cérémonie de la Bat-Mitsva a été progressivement adoptée par les rabbins et les synagogues orthodoxes, avec des adaptations nécessaires en raison des restrictions halakhiques. C’est à Jacob Ettlinger (1798-1871), grand rabbin d’Altona en Allemagne, que l’on doit les premières cérémonies de Bat-Mitsva orthodoxes, au milieu du XIXe siècle. Il rédigea lui-même les sermons pour ces occasions solennelles. Cette pratique fut approuvée par un grand décisionnaire séfarade : le h’ah’am Yosseph Haïm de Bagdad, surnommé le Ben-Ich Haï, qui, en 1898, préconisa l’instauration de cette coutume, avec la tenue d’une séouda — repas de fête — et la récitation de la bénédiction chéhéh’éyanou. Le grand rabbin ashkénaze Yehiel Yaacov Weinberg (1878-1966), grand partisan de la célébration de la Bat-Mitsva, va soutenir que cette célébration renforcera chez la jeune fille la conscience et l’amour de la Torah ainsi que le sentiment de fierté d’appartenir au peuple juif.
Le grand rabbin séfarade d’Israël, Yizhak Nissim (1896-1981), a lui fait jurisprudence, s’appuyant sur le Ben-Ich Haï, en décrétant que la fête organisée à cette occasion est considérée comme une « séoudat mitsva ».
Enfin, Le rabbin Ovadia Yossef, ancien grand rabbin séfarade d’Israël, justifie cette célébration par la prise en compte des mutations sociales. L’absence de coutume antérieure pour lui non plus n’est pas un frein. Il est, selon lui, recommandé de dire ce jour-là des paroles de Torah, de chanter, de remercier D.ieu, lors d’une fête organisée pour la Bat-Mitsva, ainsi qu’une séoudat mitsva.
L’événement de la Bat-Mitsva a gagné en popularité au XXe siècle, particulièrement aux États-Unis et en France. Des variations de célébrations ont émergé dans différentes communautés, reflétant les aspirations des jeunes filles à marquer leur passage à l’âge adulte et leur adhésion dynamique au judaïsme.
De nos jours, il existe plusieurs façons de célébrer l’arrivée à la maturité. Chaque Bat-Mitsva va être l’occasion d’une célébration originale et personnelle mettant l’accent sur des valeurs adaptées à la personnalité de l’adolescente, ses centres d’intérêt et les traditions familiales. Des programmes spécialement conçus sont proposés aux jeunes filles, s’inspirant de divers rites de passage dans différentes cultures, mettant l’accent sur des valeurs communes. Certaines optent pour un voyage mère-fille en Israël ou à l’étranger, au sein d’un groupe organisé, où les jeunes filles cherchent à vivre une expérience unique avec leur mère, renforçant ainsi leur lien et se connectant avec cette figure maternelle si importante dans leur vie. Des sessions d’étude mère/fille — h’évroutot — ont également lieu durant toute l’année.
Une autre tendance qui devient une tradition forte est la cérémonie de la « Afrashat h’alla », qui revêt un statut spirituel et symbolique important. Cette cérémonie, qui implique le prélèvement de la pâte à pain, offre une opportunité d’enseigner à la jeune fille et à ses amis l’importance de cette mitsva. La fabrication du pain étant une des joies des préparatifs du Chabbat que les femmes, religieuses ou pas, apprécient. Sur les réseaux sociaux, le nombre de recettes du pain et du tressage de la H’alla diffusées et partagées est particulièrement important.
En France, depuis déjà plusieurs décennies, dans les communautés consistoriales, un programme de préparation à la Bat-Mitsva est proposé dans les classes de Talmud Torah. C’est un passage vers les responsabilités et le couronnement d’un long cheminement d’étude. Après avoir suivi pendant un an des cours portant sur la connaissance de la Bible, l’histoire, les lois et les coutumes juives, la jeune fille passe un examen de validation de connaissances.
Dans certaines communautés, une cérémonie collective est organisée en l’honneur de la promotion des jeunes filles « bnot mitsva de l’année » et qui vient clôturer un programme d’un an de préparation à cet événement. La jeune fille prend une part active durant l’office, en récitant la bénédiction du chéhéh’éyanou qui exprime la joie et la reconnaissance à D.ieu.
La bénédiction du michébérah’ récitée lors de la lecture de la Torah à la synagogue accompagne les événements importants de la vie : la naissance d’un enfant, l’anniversaire d’un deuil, le repas de fête de fiançailles, etc.
Concernant l’événement de la Bat-Mitsva, le michébérah’ a été adapté : « Que celui qui a béni nos mères, Sara, Rivka, Rachel et Léa, Myriam la prophétesse, Avigaïl et la reine Esther, fille d’Avih’aïl, bénisse la jeune fille (prénom de la Bat-Mitsva), fille de (prénom de la mère) et de (prénom du père), qui a atteint l’âge de douze ans et se trouve à présent soumise aux commandements de la Torah. Notre Père de miséricorde la protégera et veillera sur elle. Il éloignera d’elle la maladie et la préservera de toute douleur et de tout dommage. Que son père et sa mère se réjouissent à son sujet et qu’elle trouve grâce et reconnaissance aux yeux de D.ieu et des Hommes. Que se réalise en elle l’Écriture : « Une femme qui craint D.ieu, c’est elle qui est digne d’éloges. Donnez-lui les fruits de ses mains et de ses actions ils diront son éloge dans la cité. D.ieu orientera son cœur afin qu’elle soit intègre avec lui, qu’elle marche dans ses voies et garde ses préceptes tous les jours de sa vie.
Et nous dirons Amen. » »
En conclusion, la Bat-Mitsva incarne ce rite de passage qui symbolise l’affirmation de l’identité féminine et la contribution des femmes à la richesse et à la diversité de la culture juive.
Par le biais de différentes formes de célébration, la jeune fille juive marque son affirmation identitaire et son intégration dans la tradition.
Références
↑1 | Mishna, Nida 55-46 ; Guemara, Yavmot 4-11 |
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