Ce self-made-man, né en 1784 à Livourne, est originaire d’une famille juive sépharade, installée en Angleterre depuis quelques générations. Il grandit au sein d’un foyer de commerçants ou le respect de la tradition et la foi avaient une importance prédominante.
Son père venait d’une famille de 17 enfants..!
Montefiore le bâtisseur
Moché , d’abord simple courtier, élargira ses domaines d’investissement pour finalement ouvrir ses propres banques et une société internationale de gaz qui fournira toute l’Europe. Après une brillante carrière dans la finance londonienne, il deviendra un homme d’affaires influent, notamment grâce à son association avec la famille Rothschild.
Leurs noms sont d’ailleurs indissociables, tout d’abord pour l’indéfectible soutien philanthropique qu’ils prodiguent aux leurs en Erets Israël , puis parce que Nathan Mayer Rothschild épousera la soeur de Lady Montefiore : les 2 hommes deviendront donc beaux-frères par alliance.
Montefiore, à l’instar de Rothschild, investira des sommes colossales pour soutenir tout ce qui touche à l’aide et à l’ implantation des Juifs en Palestine ottomane. C’est lui qui soutiendra les premiers projets de construction en dehors des murailles de la vieille ville de Jérusalem. Jusqu’à aujourd’hui, tout dans la capitale « respire » Montefiore et
on ne compte plus les quartiers appelés à son nom : Yemin Moché et son fameux moulin, Kyriat Moché, Mazkereth Moché , Ohalei Moché viYehoudith.
L’Affaire de Damas (1840)
Comme au temps de nos Sages, où les communautés juives envoyaient l’un de leurs maîtres ou de leurs notables chez les “puissants”, rois ou empereurs, pour qu’ils abolissent un décret, Montefiore va jouer ce rôle auprès de ses frères.
L’un de ses plus grands combats se déroule en 1840, lorsqu’un moine capucin est retrouvé mort à Damas. Treize Juifs sont alors arrêtés et torturés, tous accusés de meurtre rituel. Montefiore entreprend un long voyage jusqu’à Constantinople, accompagné du juriste français Adolphe Crémieux (issu des communautés juives du Comtat-Venaissin). Ils obtiennent une audience auprès du sultan ottoman Abdülmecid Ier. Grâce à leur habileté diplomatique et au prestige de Montefiore auprès de la couronne britannique, ils obtiennent la libération des prisonniers survivants et, surtout, un décret impérial interdisant à l’avenir d’accuser les Juifs de crimes rituels, reconnaissance officielle du caractère fallacieux de ces accusations. Ce fut un tournant historique, un précédent juridique et politique inédit dans le monde musulman et chrétien.
She’s a Lady
Si l’on dit que derrière un grand homme se cache une grande femme, ce dicton semble avoir été énoncé pour l’épouse dévouée du baron. Leur histoire commence presque comme un roman de Shakespeare : un fossé les sépare. Montefiore est sépharade et Judith Barent Cohen
est issue d’une riche famille achkénaze, son père étant un financier très influent en Grande-Bretagne. À l’époque, les mariages « mixtes », « ça ne se fait pas » !
Mais le jeune Moché , reconnaissant en cette délicieuse personne les qualités qu’il cherchait chez sa future épouse, brisera préjugés et conventions pour demander la main de Judith. Il faut dire que le père de la jeune fille sera vite séduit par ce prétendant de belle prestance, rassurant, déjà très bien installé dans la vie, à la mise élégante et au regard profondément bon.
Quant à Judith, sa beauté n’a d’égale que son raffinement. Sa piété, jamais bigote, est rehaussée par un esprit vif et ouvert ; elle est polyglotte, linguiste, passionnée de musique et suit à la lettre toutes les observances du judaïsme. Elle épaulera et accompagnera son époux dans ses missions à travers le monde, pour le bien de sa communauté.
En diligence, en bateau à vapeur, à dos de chameau, rien n’arrêtera ce couple uni qui ne cessera de regarder dans la même direction.
Moché le bien nommé
Adoubé “Sir” puis “baron” par la reine Victoria, il devient shérif de Londres en 1837, fonction équivalente à maire adjoint, ce qui fait de lui l’un des tout premiers Juifs à occuper une fonction officielle aussi élevée dans la capitale britannique.
À cette époque, l’accès aux postes publics est encore fermé aux non-chrétiens : sa nomination est donc historique pour les Juifs d’Angleterre.
Cela n’empêche pas, bien au contraire, que lors de ses missions diplomatiques, Montefiore voyage avec sa propre synagogue portative, un Sefer Torah, un cuisinier kacher, et même un chofar. Il refusera toujours d’effectuer des déplacements le Chabbath, quitte à retarder des audiences royales. Lors d’un séjour au Maroc, le sultan, impressionné, lui demanda : « D’où vient ta force ? »
Il sortit de sa poche un livre de Tehilim (Psaumes) et répondit tout simplement : « D’ici. »
Il visitera 7 fois la Terre sainte et son dernier voyage, il l’entamera à 91 ans! On ne compte plus les hôpitaux, yéchivoth, orphelinats, écoles agricoles qu’il établit pour ses frères. Il est partout.
Déjà, lors de sa première visite au pays des Patriarches et de la Bible, surgira en lui une expérience spirituelle jusque-là inconnue, qui bouleversera sa vie : c’est à ce moment qu’il décidera de consacrer argent, temps et influence à la défense et au soutien des Juifs du Yichouv, qui vivaient dans des conditions matérielles plus que précaires. A 43 ans, installé et fortune faite, il put se consacrer presque exclusivement à cette tâche ou, plus exactement, à ce qu’il voyait comme la mission de sa vie.
Moché Montefiore meurt le 28 juillet 1885, à l’âge de 101 ans, dans sa maison, “dans une bonne vieillesse”, comme dit le verset.
Il repose aux côtés de son épouse bien-aimée, dans un mausolée qu’il avait fait construire à Ramsgate, inspiré du tombeau de Ra’hel, également édifié par lui à Bethlé’hem en 1841.
Le couple n’eut pas de descendance.
Sans orgueil et sans fierté, mais avec un immense dévouement à son peuple et à la cause du judaïsme, Sir Moché ‘Haïm avait compris qu’il n’était qu’un canal que le Tout Puissant avait choisi pour venir en aide aux siens.
Il aura également réussi à connecter la terre des ancêtres avec l’installation future de leurs descendants.
Que son nom soit béni, qu’il repose en paix auprès de son Créateur et soit source d’inspiration pour nous tous.