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Sosúa, kibboutz en République dominicaine, le refuge inattendu

En 1939, en République dominicaine, une communaute a été mise en place qui a permis de sauver environ 757 Juifs d’Allemagne et d’Autriche de la persécution nazie.
Sosúa, kibboutz en République dominicaine, le refuge inattendu

Lorsqu’on parle de « Kibboutz », on pense automatiquement à Israël. Pourtant, d’autres tentatives d’organisation de collectivités ont eu lieu dans d’autres pays, où les hommes ont mis leurs biens et leur vision de la vie en commun. En 1939, en République dominicaine, une constellation similaire a été mise en place qui a permis de sauver environ 757 Juifs d’Allemagne et d’Autriche de la persécution nazie.

En juillet 1938 s’est déroulée la conférence d’Évian à l’initiative du président des États-Unis, Franklin D. Roosevelt. Son but était de venir en aide aux réfugiés juifs allemands et autrichiens fuyant le nazisme, peu après l’Anschluss. 32 États y ont participé. Le grand sujet était de savoir qui allait accueillir ces réfugiés. Quel pays allait s’engager dans le sauvetage des Juifs ? Un seul pays a répondu présent ! Un seul pays était prêt à ouvrir ses portes aux Juifs d’Europe qui fuyaient l’Allemagne nazie et cherchaient une terre d’accueil pour se protéger : la République dominicaine et son président Rafael Leónidas Trujillo.

Ce n’est pas par grand cœur ni humanisme que Rafael Trujillo a pris cette décision mais plutôt parce qu’il y a vu une opportunité de se rapprocher des États-Unis qui finançaient ce projet par l’intermédiaire de la communauté juive américaine. La République dominicaine fait alors savoir qu’elle acceptera jusqu’à 100 000 réfugiés juifs. Au total, 5 000 visas seront délivrés, mais un peu moins d’un millier de Juifs se rendront finalement en République dominicaine, située sur l’île d’Hispaniola.

Il voit, dans l’attribution de ces visas à des Européens, une occasion de « blanchir » la population de son pays, qui était trop noire à ses yeux, par de jeunes immigrants faisant partie de la classe moyenne éduquée et de percevoir les sommes d’argent qui allaient être versées pour chaque réfugié) 

Une association du nom de DORSA — Dominican Republic Settlement Association — est créée par le JOINT. Le rôle de ses agents était de sélectionner des candidats dans les camps de réfugiés sur certains critères : des jeunes célibataires âgés de 20 à 35 ans et, de préférence, ceux qui avaient des notions agricoles. Ces critères assez sélectifs ont bloqué le recrutement, ainsi, seulement 757 visas ont été distribués à des réfugiés qui sont effectivement arrivés en République dominicaine, et un certain nombre ont servi à d’autres comme document pour seulement quitter l’Europe

Le premier grand groupe de réfugiés juifs d’Europe arrive donc en République dominicaine le 10 mai 1940. Puis, leur immigration a lieu par vagues successives pour atteindre, fin 1944, une population de près de 700 personnes sauvées des griffes nazies.

C’est ainsi que Sosúa, une région presque inhabitée située dans la partie nord du pays, devient le refuge des Juifs européens dans laquelle ils devaient vivre en autarcie. Ils ont vite compris qu’il valait mieux abandonner leurs anciennes professions de médecin, d’avocat et autres et s’empresser d’adopter la profession d’agriculteur. Chaque immigrant a reçu 80 acres de terre, ainsi qu’un mulet, un cheval et dix vaches.

« Un nulle part accablé de soleil et de chaleur. Un nulle part qui allait être le cadre de notre nouvelle vie… Une mince bande de terre défrichée, coincée entre un mur de jungle inhospitalière et l’océan. La vacuité de cet espace nous faisait vaciller[1]Les déracinés de Catherine Bardon, page 279). »

Une coopérative appelée Productos Sosúa a été créée dans le but de commercialiser les produits agricoles, le lait et la viande produits par ces nouveaux habitants. En 1943, des experts américains vinrent leur conseiller d’élever du bétail. Les colons se concentrèrent alors sur l’élevage du bétail et la production de beurre et de fromage. Les fermes regroupées en coopérative virent leurs affaires prospérer. L’industrie laitière locale est toujours florissante et la marque Productos Sosúa, propriété des descendants des premiers colons juifs, est l’une des plus importantes du pays.

Les besoins quotidiens dans ce nouvel environnement les a également poussés à construire des bâtiments, divers commerces sur le modèle européen, des routes, un hôpital, des synagogues et un cimetière juif ainsi que des jardins d’enfants et des écoles dans lesquels les jeunes enfants apprenaient l’espagnol, étudiaient l’agriculture et célébraient les fêtes juives.

Malgré ces changements et l’adaptation à leur nouvelle vie, ces réfugiés n’ont pas rejeté ni oublié leurs traditions et leur culture ; bien au contraire, ils ont réussi à faire évoluer et développer leur nouvelle ville tout en gardant le modèle juif européen, ce qui lui a valu le surnom de « Sion des tropiques ».

« Une question s’imposait qui appelait une réponse : celle de notre identité et celle de la terre où nous allions vieillir. Nous étions toujours des apatrides, sans nationalité, échoués par hasard sur cette île en invités temporaires. Il nous fallait maintenant, sur les souvenirs de ces douze années, réinventer notre vie une nouvelle fois. Il fallait choisir une terre pour le reste de notre vie[2]Les déracinés de Catherine Bardon, p. 274.. »

En dépit du traumatisme d’avoir fui les pays où ils habitaient, ils ont su donner vie à un endroit abandonné, ils ont su créer une communauté dans laquelle l’agriculture, l’éducation, la vie religieuse, les affaires ont prospéré. Cela a laissé une empreinte positive et indélébile sur tous ceux qui les entouraient et a donné de l’espoir aux survivants qui avaient perdu tout ce qu’ils connaissaient et chéri.

« Unis par les épreuves, l’exil et l’abandon de nos vies, nous vivions dans une atmosphère de gaieté des relations saines, faites de complicité, de partage, de franche camaraderie, d’une compréhension mutuelle qui se passait de mots. Le sentiment de précarité laissait peu à peu la place à un sentiment de bien-être. C’en était fini de baisser les yeux, d’essayer de passer inaperçus, de nous fondre dans le décor, de perdre de la substance. Nous n’étions plus ces mendiants gris. Nous avions retrouvé notre dignité, nous avions une nouvelle terre et une nouvelle famille, et c’était vertigineux[3]Les déracinés de Catherine Bardon, p. 380.. »

À la fin de la guerre, la majorité des Juifs regagnent l’Europe ou l’Amérique, d’autres retournent dans leur pays natal, certains partent vers la terre promise, très peu restent en République dominicaine ou en Amérique latine.

De nos jours, les vestiges de cette époque persistent à Sosúa, où seulement quelques descendants de ces familles perpétuent l’héritage de leurs ancêtres, témoignant ainsi leur résilience face au temps. Au cœur de cette petite communauté se dresse toujours fièrement la synagogue, un monument qui incarne à lui seul la présence juive dans cette contrée éloignée du globe. Juste à ses côtés, le Sosúa Jewish Museum, modeste par sa taille mais riche en histoire, déroule le fil de l’épopée de cette communauté à travers une précieuse collection d’artefacts et des récits captivants. Quelque 70 Juifs sont enterrés dans le cimetière juif situé près de la synagogue.

Grâce à ces objets et histoire spéciaux, on se souvient des personnes courageuses du passé et de leur incroyable détermination. Même si la vie les a mis à l’épreuve, ils ont réussi à conserver leur histoire et traditions. Ainsi, Sosúa est un endroit où le passé et le présent se mélangent harmonieusement, racontant une histoire passionnante de persévérance humaine.

L’histoire de cette communauté est très peu connue, mais en 2017, cette histoire se révèle au grand public grâce à l’auteure Catherine Bardon qui écrit une saga de quatre tomes sur l’histoire de ces Juifs. Ses livres sont basés sur le témoignage du dernier pionnier de cette communauté et sur un travail de documentation important. L’auteure a passé des années à faire ses recherches, entre autres dans les archives nationales dominicaines. Après le décès de cet homme, Catherine Bardon décide de raconter et transmettre cette histoire ainsi que celle de la communauté à travers ses romans.

Catherine Bardon, voyageant dans le monde entier, découvre la République dominicaine et s’y attache. Comme elle le décrit elle-même, la République dominicaine est son « pays de cœur, pays d’adoption[4]Interview de Catherine Bardon. »

Elle écrit des guides de voyage pour ce pays, ainsi qu’un livre de photographies et publie son premier roman, Les Déracinés, premier tome d’une saga historique romanesque, passionnante.

 

 

 

 

 

 

Sources :

https://auschwitz.be/images/_expertises/2019-peeters-dorsa.pdf 

https://www.jewishvirtuallibrary.org/

http://www.sosúamuseum.org 

Diane Afoumado, Indésirables. 1938 : La conférence d’Évian et les réfugiés juifs, Paris, Calmann-Lévy, 2018.

Catherine Bardon, Les Déracinés, Paris, Les Escales, 2018.

Allen Wells, Tropical Zion, General Trujillo, F.D.R. and the Jews of Sosúa, Durham/London : Duke University Press, 2009.

Références

Références
1Les déracinés de Catherine Bardon, page 279)
2Les déracinés de Catherine Bardon, p. 274.
3Les déracinés de Catherine Bardon, p. 380.
4Interview de Catherine Bardon

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