Le petit Charles sera obligé de travailler dans un atelier infesté de rats, où pendant 10 heures d’affilée, il devra coller des étiquettes sur des boîtes de cirage pour un salaire dérisoire. Nous sommes au début du 19ème siècle, dans la Londres de la révolution industrielle et Dickens, devenu écrivain, en fera la toile de fond de tous ses romans, trouvant son inspiration dans son propre vécu de misère et de décadence humaine.
Dickens dénonce les stéréotypes, les maltraitances, les abus sur les faibles, principalement femmes et enfants, et comme son contemporain français Victor Hugo (âgé de 10 ans de plus que lui), il ose poser un regard différent sur ce qu’on appelait alors les « rebuts » de la société, ou tout simplement les « misérables ».
Le Papa de Charlot et Pinocchio
Dickens a connu le succès de son vivant et a continué à influencer la société et la littérature bien après sa mort. Il est évident qu’un artiste comme Charlie Chaplin, né également dans la pauvreté de Londres, s’est inspiré de Dickens lorsqu’il crée le personnage de Charlot. Vagabond au grand cœur qui erre dans les quartiers sordides de la capitale anglaise, il y rencontre le meilleur et le pire de l’humanité. Quant aux malfrats qui entraînent le petit Pinocchio (écrit par Collodi en 1881, 10 ans après la mort de Dickens) dans le cercle infernal de la délinquance, ils ressemblent comme deux gouttes d’eau à ceux qui vont initier Oliver Twist (héros de Dickens) à l’art du vol à la tire.
Un humaniste antisémite ?
Si Charles Dickens est un très grand écrivain interpellé par la condition humaine, il reste une ombre étonnante à son portrait.
Dans son livre le plus célèbre, Oliver Twist, il va donner au personnage du kidnappeur d’enfants pauvres – utilisés pour devenir des petits truands – les traits d’un… Juif. Son nom ? Fagin.
Rouquin, hirsute, barbu, fourbe, sans scrupules, nez proéminent, cupide, Fagin est la somme des stéréotypes les plus caricaturaux du Juif. Comme si toute la finesse et la compassion de Dickens, sa vision juste de l’Humain n’arrivait pas à surmonter un antisémitisme primaire, stupide et grotesque.
Mais une Providence incroyable va permettre à l’écrivain de prendre du recul sur ses propres manquements et de « corriger » le tir.
Dix ans avant sa mort, il met en vente sa demeure de Tavistock. Il cherche des acheteurs et un certain James Phineas Davis acquiert sa maison. L’homme est Juif, juriste mais également investisseur. Dickens écrit : « Jamais je ne lui ferai confiance jusqu’à ce qu’il paye le montant intégral ». Puis, il met en garde un proche : « J’espère que les Bné Israël s’avéreront être de bons voisins… ». Dickens dans ses écrits, appelle son acheteur avec un mépris évident « prêteur à intérêt », alors que ce dernier investit comme le font tous les hommes d’affaires de New Bond Street.
L’achat de la maison est conclu à la grande satisfaction de Dickens. Il écrit : « Je n’ai jamais fait une affaire aussi rapidement, à l’amiable et de façon aussi honnête », avoue-t-il. En fait, pour la première fois de sa vie, il côtoie véritablement un Juif.
Mais la véritable héroïne de l’histoire va maintenant entrer en scène, comme dans un bon roman. Joviale, mère de famille nombreuse (dix enfants), cultivée sans être une intellectuelle, Miss Eliza Davis, fille d’un ‘Hazan, ayant grandi dans la pratique des Mitsvot, ne cache ni ses origines ni son attachement à la religion de ses ancêtres. Elle est la femme de l’acheteur de Dickens.