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Roch Hachana, célébrer la vie !

Nous voici aux portes d’un jour d’une majesté singulière dans le calendrier hébraïque : Roch ha-Chana.
Roch Hachana

Conscients de la portée de ce rendez-vous sacré, nous avons consacré tout le mois d’Éloul à nous y préparer, afin de nous présenter dignement devant le Créateur en ce premier jour de l’an hébraïque. Nos Sages enseignent[1] qu’en ce jour, chaque créature sur terre se tient devant D.ieu, qui scelle le destin de chacun pour l’année à venir.

Ce jour grandiose touche au fondement même de notre tradition. Il met en lumière une valeur constitutive du judaïsme, une notion cardinale qui traverse les âges et qui résonne aujourd’hui avec une intensité toute particulière.

Car notre réalité récente, marquée au fer rouge depuis le funeste 7 octobre 2023, nous le rappelle sans cesse. Cette date qui nous a fait crier, écrire, proclamer, et qui nous définit désormais si fortement. Face à l’horreur des adorateurs de la mort, nous avons affirmé d’une seule voix notre attachement indéfectible à la vie[2]. Nous aimons la vie. Nous la célébrons, même dans la douleur.

La vie est en effet une valeur sacrée de notre tradition. Et c’est précisément en ce jour décisif de Roch ha-Chana, alors que D.ieu siège sur le trône du jugement et inscrit chaque âme dans le Livre de la Vie ou dans celui de la mort, que notre prière s’élève :
« Souviens-Toi de nous pour la vie, Roi qui désire la vie. Inscris-nous dans le Livre de la vie, pour Toi, D.ieu de vie[3]. »

La Torah elle-même abonde en allusions à cette volonté de célébrer la vie. Elle est appelée « Arbre de vie[4] », car elle nous élève et nous fait grandir. Dans ses versets, D.ieu nous enjoint d’accomplir Ses commandements afin que nous vivions[5]. Il nous déclare qu’Il a placé devant nous le bien et le mal, la vie et la mort, et Il nous exhorte : « Choisis la vie[6] ! »

Telle est la valeur centrale de Roch ha-Chana : notre volonté profonde et notre supplication ardente à D.ieu de nous inscrire, individuellement et collectivement, dans le Livre de la Vie.

La Torah nous intime : “Choisis la vie !” Mais que recouvre cette injonction ? Nous croyons tous savoir ce qu’est la vie… et pourtant, n’est-ce pas précisément ce point qu’il nous faut interroger à la veille de Roch ha-Chana ?

 

Lorsqu’on parle de vie, savons-nous réellement de quoi il est question ?

L’évidence nous pousse à croire que « vivre » signifie simplement exister, respirer, durer. Mais la Torah nous invite à aller plus loin. Elle nous éduque à une forme de vie plus intense.

C’est ce que nous retrouvons notamment dans la paracha de  Nitsavim-Vayélèkh, où ce thème revient avec force. Moché Rabbénou s’adresse au peuple et déclare :
« J’appelle aujourd’hui le ciel et la terre à témoigner contre vous : j’ai placé devant toi la vie et la mort, la bénédiction et la malédiction. Choisis la vie, afin que tu vives, toi et ta descendance. » (Devarim/Deutéronome 30,19)

On pourrait s’imaginer que Moché présente ici deux chemins à parts égales : l’un mène à la vie, l’autre à la mort, et chacun reste libre de choisir ce qui lui plaît. Ce qui est déjà surprenant, comme si nous pouvions avoir une quelconque envie de choisir un chemin menant à la mort. Mais non : en réalité, ce n’est même pas une option ouverte, c’est une injonction. Il ordonne de choisir la vie. La Torah nous ordonne de choisir le chemin de la vie, c’est un commandement de la Torah.

Un peu plus haut, dans le même chapitre, la Torah ajoute :
« L’Éternel ton Dieu circoncira ton cœur et le cœur de ta descendance, pour aimer l’Éternel ton Dieu de tout ton cœur et de toute ton âme, afin que tu vives. » (Devarim 30,6)

Et là surgit une difficulté troublante, relevée par le Netsiv, Rav Naftali Tsvi Berlin (1816-1896). Car si la Torah nous demande d’aimer D.ieu de tout notre cœur et de toute notre âme, comment comprendre que la finalité soit « afin que tu vives » ? N’y a-t-il pas là une contradiction criante ? L’amour absolu de D.ieu ne devrait-il pas être désintéressé, pur, sans arrière-pensée ? Si l’on accomplit les commandements pour « avoir une belle vie », pour assurer notre confort ou notre survie, n’est-ce pas réduire l’amour divin à un calcul égoïste, presque hypocrite, qui trahit son essence ?

Et pourtant, la Torah affirme bien que l’amour de D.ieu qui s’exprime par la réalisation de Sa volonté, conduit à la vie. Ce paradoxe oblige à s’interroger : de quelle « vie » s’agit-il vraiment ? Ce n’est certainement pas la simple survie biologique, ni même le bien-être matériel. C’est précisément ce point que le Netsiv éclaire dans son commentaire Hé’Amek Davar, en redéfinissant ce que la Torah appelle véritablement « la vie ».

 

« Les impies, disent nos Sages, sont morts dès leur vivant, mais les justes, même après avoir quitté ce monde, portent encore en eux le souffle de la vie (Berakhoth 18). »

Le Netsiv, dans son commentaire Hé’Amek Davar sur la paracha Vaét’hanan, propose une définition saisissante de ce que la Torah appelle véritablement « la vie ». Selon lui, la vie ne se réduit pas au simple fait d’exister, de respirer ou de se nourrir. Elle désigne avant tout la vitalité intérieure, cette joie profonde de l’âme lorsqu’elle atteint un degré d’accomplissement spirituel.

Tout ce qui éveille en l’homme une élévation spirituelle ajoute à sa vitalité. Un homme peut ressentir une forme de vie lorsqu’il accède à la connaissance ou aux honneurs, car ces expériences nourrissent son être intérieur, bien au-delà de ce qui comble l’animal, dont la vitalité se limite à la nourriture et à la boisson. Mais si l’homme en vient à éteindre ses aspirations spirituelles et à réduire sa vie à la seule recherche de plaisirs matériels, il s’animalise : il perd ce qui fait de lui un être vivant au sens véritable du terme.

Ainsi, enseigne le Netsiv, un Juif qui trouve sa joie et sa force dans le service de D.ieu goûte à une vie authentique. Mais s’il perd ce lien, s’il n’éprouve plus la douceur et le plaisir de cette proximité, il est comme privé de vie, rejoignant l’enseignement de nos Sages : « Les impies, de leur vivant, sont appelés morts » (Berakhoth 18).

Et plus encore : celui qui mérite d’accéder à un degré supérieur, ressentant à chaque instant la proximité avec D.ieu et la joie de s’attacher à Lui, connaît une vitalité incomparable, un surcroît de vie qu’aucun plaisir terrestre ne saurait égaler. Voilà ce que la Torah appelle véritablement « vivre ».

 

L’unique requête du roi David, au cœur de la tourmente et sous la menace de ses ennemis

Le Netsiv nous a appris que la véritable « vie » dont parle la Torah n’est pas la simple survie biologique ni le confort matériel, mais cette vitalité intérieure que l’homme puise dans sa proximité avec D.ieu. La vie véritable, c’est le plaisir profond de servir, de se sentir relié, de goûter à la dimension spirituelle de l’existence.

Et cette idée trouve un écho saisissant dans un autre commentaire, celui du Malbim (Rabbi Méir Leibouch Ye’hiel Mikhel  Weiner, 1809-1879) sur le Psaume 27, ce passage de Tehilim que nous avons l’habitude de lire lors de notre préparation à ce rendez-vous important qu’est Roch ha-Chana.

Le roi David y exprime cette demande unique :
« Une chose j’ai demandée à l’Éternel, c’est elle que je recherche : demeurer dans la maison de l’Éternel tous les jours de ma vie, contempler la douceur de l’Éternel et visiter Son sanctuaire. »

Et cette prière nous surprend. Car elle ne vient pas d’un homme qui a vécu dans la quiétude, mais de David, figure tourmentée de notre tradition. Lui qui fut rejeté par son père et sa famille, comme il l’évoque dans ce même psaume. Lui qui fut pourchassé par le roi Chaoul/Saül, trahi par ses proches, assiégé de toutes parts. Lui encore qui connut l’épreuve amère d’être poursuivi par son propre fils, contraint de fuir Jérusalem pour sauver sa vie.

On pourrait s’attendre à ce qu’un tel homme, placé au cœur de tant d’angoisses et de périls, multiplie les requêtes : santé, délivrance, protection, repos. Et pourtant, David ne demande qu’une chose, une seule : demeurer dans la maison de D.ieu, goûter à Sa douceur, s’attacher à Sa présence.

Le Malbim souligne ici la force singulière de cette requête. David n’exprime pas un besoin de survie, ni une recherche de confort ou de victoire. Il réduit toutes ses prières à une seule aspiration, qui englobe toutes les autres : rester auprès de D.ieu. Non pas comme un moyen d’obtenir autre chose, mais comme une fin en soi, le véritable désir de son cœur.

De cette proximité découleront bien sûr la délivrance et la subsistance, la paix et la force. Mais pour David, elles ne sont que des conséquences. L’essentiel, c’est la vie au sens plein : être proche de D.ieu, vivre de Sa présence et trouver en Lui la source de toute vitalité.

 

Aspirons à la vie, pas la survie !

Comme nous l’avons vu dès l’introduction, le jugement de Roch ha-Chana ne se limite pas à une simple balance entre la vie et la mort au sens biologique. Le Netsiv nous enseigne que lorsque la Torah parle de « vie », il s’agit avant tout de la vitalité qui habite l’homme lorsqu’il s’élève spirituellement et se rapproche de son Créateur. À Roch ha-Chana, nous sommes jugés non seulement sur notre santé, notre subsistance ou nos besoins matériels, mais surtout sur la sincérité de notre service divin, sur l’authenticité de notre quête de sainteté et de notre lien avec D.ieu.

Bien sûr, nous pouvons désirer une année de santé, de prospérité matérielle et d’abondance. Mais tout cela, aussi précieux soit-il, ne suffit pas à faire de nous des êtres véritablement vivants. Car être inscrit dans le Livre de la Vie, c’est bien plus qu’assurer notre survie : c’est vivre pleinement, avec intensité, en se nourrissant de la proximité avec D.ieu.

Reste alors une question : comment viser cette élévation spirituelle alors que nos préoccupations quotidiennes, nos besoins pressants, semblent parfois nous accaparer entièrement ? C’est précisément ce sur quoi le Malbim cherche à nous éclairer : si notre désir profond, sincère, est réellement de nous rapprocher de D.ieu, alors le Maître du monde nous accordera aussi les moyens matériels nécessaires pour y parvenir. Les biens de ce monde deviennent alors non pas une fin, mais un instrument au service de ce désir essentiel.

Ne cherchons donc pas seulement la survie, mais la VIE !
Yéhi Ratson : que nous soyons inscrits dans le Livre de la Vie, et que l’année qui s’ouvre devant nous soit une année de réussite, d’élévation et de proximité avec D.ieu et Sa sainteté, qu’Il nous accorde tous les moyens pour y parvenir.

 

[1] Michna traité Roch Hachana chapitre 1 Michna 2

[2] Voir l’article « We Choose Life: Love After October 7th » (Aish.com), qui relate comment de nombreux Israéliens, ayant tout perdu, ont choisi de reconstruire, de se remarier, et de dire « oui » à la vie malgré la tragédie

[3] Phrase que nous rajoutons dans la prière de la Amida depuis Roch Hachana jusqu’au jour de Yom Kippour.

[4] Michlé Chapitre 3 verset 18

[5] Dévarim chapitre 30 verset 6

[6] Dévarim chapitre 30 verset 19

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